Un bilan de la French Tech

La French Tech a été lancée fin 2013 par la ministre déléguée en charge du numérique de l’époque, Fleur Pellerin, pour dynamiser la marque France et l’affilier à la modernité et au potentiel du numérique. Trois ans plus tard, on peut se demander si la French Tech est parvenue à son objectif initial : structurer un écosystème de start-up autour de villes labellisées.

La French Tech avaient initialement vocation à cristalliser des écosystèmes, en mettant des universités, des entreprises, des start-up et des PME ensemble. S’adressant à des entreprises de toutes tailles, le label visait à faire émerger des clusters de taille conséquente dans les grandes villes de province. Il devait ainsi être le relai marketing des entreprises françaises à l’international. A ce titre, la French Tech a été dotée d’un fonds d’investissement de 200 millions afin de « favoriser le développement des accélérateurs de startups privés ».

 

Un changement de paradigme pour les entreprises françaises

Pour beaucoup, la French Tech aura au moins eu comme mérite de permettre à la marque France de gagner en « soft power » et en visibilité ; et ce non plus pour le vin mais pour la technologie, ce qui est déjà une petite révolution en soi. Le label a effectivement été relayé jusque dans le Washington Post. La marque a fait son effet : le public étranger a remarqué les Français, ce qui a permis d’accélérer les ventes de produits connectés voire carrément les acquisitions de sociétés.

La French Tech a eu pour les villes labellisées des retombées en termes de levées de fonds. Montpellier a notamment vu l’investissement dans ses startups doublé entre 2014 et 2015 pour atteindre un montant total de 1,81 milliard d’€. Mais finalement les entreprises ont été relativement peu nombreuses à en bénéficier.

Les villes françaises ont aussi pu faire parler d’elles en-dehors de la tutelle suprême de Paris. A Lyon, la French Tech s’incarne depuis début 2015 dans une structure associative dirigée par Patrick Bertrand. Son bilan a été défendu en avril dernier et fait état de « 150 startups accélérées, cinq entreprises labélisées et une capacité à rayonner à l’étranger ».

D’après Antoine Dematté, fondateur des start-ups TouchMods et Dropy, au-delà de la marque France, ce sont aussi les startups elles-mêmes qui ont bénéficié de la French Tech. Elles sont parvenues à utiliser ce label pour devenir le nouveau moteur de croissance économique à mettre en avant. Elles ont ainsi contribué à changer la vision de l’entreprise des Français qui ont traditionnellement du mal à envisager de petites entreprises à taille humaine portées par un entrepreneur motivé plutôt qu’un patron intéressé.

 

Des moyens pas encore à la hauteur des ambitions ?

Pour autant, les petites entreprises françaises n’ont toujours pas trouvé de « business angels ». Il est encore relativement difficile de trouver des fonds pour les nouveaux arrivants sur le marché mettant en avant leurs atouts technologiques. En Europe, la France ne représenterait que 13% du montant total des fonds de capital-risque levés, contre 33% pour le Royaume-Uni.

Et si la French Tech ne peut pas satisfaire tout le monde, tout le monde veut quand même intégrer la French Tech. Et cela au risque que l’initiative perde en cohérence. Certains spécialistes craignent que l’engouement généralisé pour le label ne soit dommageable à « l’effet cluster » recherché. Pour beaucoup, la labellisation a été distribuée un peu trop facilement aux métropoles qui aujourd’hui peinent à structurer leurs écosystèmes.

Un certain rejet émane des petites entreprises qui se sentent exclues de la French Tech. Elles dénoncent le fonctionnement du label centré sur des têtes de réseaux, figures faisant le lien entre les entreprises et les métropoles labellisées. Par ailleurs, une cotisation de 25 000 € est nécessaire pour pouvoir siéger au conseil d’administration des structures French Tech. On a du coup un problème de cohabitation entre les petits nouveaux que la French Tech a vocation à promouvoir et les grosses entreprises qui monopolisent les instances décisionnelles.

 

Un bilan temporaire controversé

Pour Karine Dognin-Sauze, vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge du numérique, la French Tech s’enlise dans son objectif premier, c’est-à-dire être une démarche marketing, au risque de ne pas permettre au label d’évoluer vers autre chose.

L’emblème de la technologie française Withings, qui s’était fait le chantre de la carte du made in France, vient de passer sous le contrôle du groupe finlandais Nokia pour 170 millions d’€. Le groupe téléphonique en reconversion veut être en tête d’affiche de la prochaine vague d’innovations en matière de santé numérique. Pour François Nemo, spécialiste en conseil et stratégie de rupture, cette acquisition est symptomatique du fait que les entreprises mono-produits comme Withings n’ont aucune chance de se développer sinon à intégrer un écosystème.

Face à Facebook, écosystème d’une ampleur sans précédents qui connecte l’ensemble de la planète en rassemblant une palette de services d’une variété invraisemblable, les petits français qui lancent leur service unique n’ont d’autre option que de se faire avaler tout cru. Ce serait un problème de culture entrepreneuriale : les Français auraient du mal à appréhender la nature profondément subversive de la révolution numérique et la nécessité de changer leur « échelle de réflexion ». Nemo dénote d’ailleurs un manque d’intérêt des gros entrepreneurs français pour les stratégies de rupture et dénonce leur vision à court terme. Pour lui, « L’aventure de ce que l’on appelle les pépites à la française n’a malheureusement qu’une seule issue : un gros chèque ! ».

Faut-il comprendre que la French Tech n’a pas saisi l’opportunité de passer à l’étape suivante de sa vocation ? En restant cloisonnée dans une démarche marketing (pour l’instant), le label n’est-il pas en train de s’aliéner les entrepreneurs mêmes qui devaient valoriser la marque France ?

​La chute des cours du pétrole met les pays de la CEMAC en difficultés

Cette semaine, le Fonds Monétaire International a clôturé des entretiens commencés en avril dernier avec les autorités de la CEMAC, organisation régionale d’Afrique centrale qui rassemble le Cameroun, la République centrafricaine, le Gabon, la République du Congo, le Tchad et la Guinée équatoriale. Au terme de cette mission, Mario de Zamaróczy, le dirigeant de la division Afrique du FMI, a retenu que « la CEMAC a été durement frappée par le double choc de la chute des cours du pétrole et des problèmes sécuritaires. »

 

Une région sous tensions

Effectivement les six pays (dont cinq sont exportateurs nets de pétrole) ont été lourdement impactés par la forte baisse des cours internationaux du pétrole. Le pétrole représente plus de 81 % des exportations et 54 % des recettes budgétaires de la CEMAC. Dans un rapport rendu en juillet 2015, le FMI mettait déjà en garde la CEMAC quant aux conséquences des chocs pétroliers de 2014 dans des pays où « le secteur financier est peu développé et l’intermédiation et l’inclusion financières sont limitées ». La région est en effet particulièrement vulnérable aux aléas des cours des matières premières et à la possible résurgence de crises régionales de sécurité.

La croissance économique régionale est tombée à seulement 1,7% pour 2015, contre 4,7% pour 2014. L’impact des chocs pétroliers s’est ressenti sur l’ensemble du continent mais tout particulièrement sur les pays exportateurs de pétrole dont la croissance moyenne est passée de 5,4% à 2,9% entre 2014 et 2015. C’est particulièrement frappant en ce qui concerne la République du Congo et la Guinée équatoriale. Cette crise touche bien plus lourdement l’Afrique que celle de 2008 en ce qu’elle impacte directement une source essentielle de croissance en Afrique : les matières premières. Et la persistance de faibles cours pétroliers envisagée par les institutions mondiales pour les prochaines années devrait maintenir la croissance régionale en-dessous de 2% (au moins) pour 2016.

Les discussions organisées sous la houlette du FMI se sont concentrées ces dernières semaines sur la définition d’une « politique monétaire commune appropriée » et la nécessité d’une meilleure coordination régionale. D’après l’institution, « des liens régionaux plus étroits aideraient la CEMAC à surmonter les chocs négatifs », d’où le besoin de renforcer l’intégration régionale, de développer les échanges intra-régionaux et de mieux intégrer les marchés financiers. La délégation du FMI a donc invité la CEMAC à ralentir le rythme d’accumulation de la dette en privilégiant les emprunts concessionnels et les sources intérieures de financement. Le Conseil d’administration du FMI devrait examiner le rapport sur les consultations régionales de 2016 en juillet prochain.

L’exportation de pétrole ne permettant plus d’assurer le maintien de la croissance régionale, la plupart des pays africains exportateurs sont maintenant obligés de réduire fortement leurs programmes d’investissement. Pourtant le FMI estime que la région se doit de lancer un « ambitieux programme de réformes pour défendre la stabilité macroéconomique et mieux soutenir une croissance durable et inclusive ».

 

S’ouvrir aux alternatives

Le FMI souligne la nécessité d’un rééquilibrage des finances publiques de la CEMAC « afin d’affronter une éventuelle chute durable des recettes pétrolières en privilégiant une hausse des recettes non pétrolières ». L’institution craint notamment que de nouveaux chocs extérieurs entrainent une baisse trop conséquente des réserves de devises de la zone.

Une intégration régionale plus poussée et des institutions plus fortes devraient permettre d’améliorer la compétitivité du secteur non pétrolier afin de soutenir la croissance d’Afrique centrale. Pour cela, les autorités nationales et régionales se doivent de permettre la mise en place d’une croissance inclusive dans la région.

En avril dernier, la Banque mondiale a rendu l’édition 2016 de son rapport Africa’s Pulse intitulée « la faiblesse de l’économie mondiale continue d’être un frein pour la croissance économique africaine ». Le rapport souligne également que les difficultés actuelles des pays africains exportateurs de matières premières ont mis en lumière l’urgence d’une diversification économique sur le continent.

La Banque mondiale met en avant dans son rapport les opportunités offertes par l’urbanisation et le développement spatial des villes africaines. Les recherches de l’institut soulignent pour l’instant que les villes africaines sont actuellement surpeuplées, déconnectées et très coûteuses – aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Mais ce sont ces mêmes villes qui ont le potentiel pour favoriser le développement d’une croissance inclusive et plus soutenable.

Le rapport estime que « l’Afrique a désormais une certaine fenêtre d’opportunité pour exploiter le potentiel des villes comme moteurs de la croissance économique. » Mais pour cela, les gouvernements vont devoir réformer les marchés fonciers et la régulation urbaine afin de favoriser l’investissement. Ils devront également coordonner les premiers investissements en termes d’infrastructure. Egalement, ils devront prendre en charge les classes moyennes et défavorisées.

Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, considère que la fin du « super-cycle des matières premières est une opportunité de relancer des réformes » en Afrique et pourrait notamment permettre « la mise en œuvre de bonnes politiques pour stimuler la productivité agricole ». Il souligne notamment la nécessité pour les pays africains de transformer sur place leurs produits agricoles. L’enjeu d’une véritable révolution agricole en Afrique subsaharienne est énorme, mais n’adviendra pas tant que le problème du déficit énergétique reste irrésolu.

 

Des perspectives limitées

Comme le souligne le rapport du FMI, « les perspectives à moyen terme de la région sont incertaines. » Les projections de l’institut mettent en avant le fait que les cours du pétrole resteront nettement en deçà de leurs niveaux antérieurs au choc de 2014. Aussi, l’épuisement des réserves pétrolières devrait entrainer une baisse de la production à partir de 2017. Il est désormais primordial pour la CEMAC d’accroitre ses recettes non pétrolières pour garantir la viabilité macroéconomique de la zone.

Pour autant, les solutions économiques et institutionnelles ne suffiront pas à assurer la stabilité économique de la région. Les attentats terroristes perpétrés par Boko Haram dans la région du lac Tchad perturbent largement l’activité des pays de la CEMAC en ce qu’elle nécessite le lancement d’opérations militaires de grande ampleur. Par ailleurs, les troubles civils en République Centrafricaine (RCA) se poursuivent, mettant en danger la sécurité des pays de la zone.

Ces troubles sécuritaires sont susceptibles de mettre un frein aux efforts d’investissement nationaux et à l’expansion des infrastructures régionales, qui sont nécessaires pour mettre en place une croissance inclusive sur la zone. Sans compter qu’ils fragilisent d’ors-et-déjà un climat des affaires tendu et un investissement privé particulièrement faible.

Uber fait des petits au Maroc

Uber Maroc a été lancé à Casablanca en juillet 2015. Le crédo de l’entreprise américaine sur le marché marocain ? offrir un service à destination des jeunes actifs urbains qui disposent de smartphones et utilisent les moyens de paiement en ligne. Mais la réalité du marché marocain pousse Uber à faire évoluer sa gamme de service locale.
 

Un service haut de gamme pour les jeunes actifs urbains

L’entreprise américaine a donc mis en place le service Uber X (milieu de gamme de la marque) dès l’été dernier. Uber se présente comme une société de service « [travaillant] en partenariat avec les sociétés de transport touristique ». La DG d’Uber Maroc a pour volonté de ne pas se positionner comme concurrent des taxis mais d’offrir un service « premium » sans pour autant entrer dans le domaine du luxe. Selon Meryem Belqziz, directrice générale d’Uber Maroc, la société de services est « sur un marché de niche composé de gens qui n’utilisent pas le taxi habituellement » ; les hommes d’affaires notamment qui demandent un service rapide et de qualité pour éviter les désagréments d’une voiture personnelle.

La filiale marocaine d’Uber veut promouvoir un service de qualité en mettant en avant chauffeurs triés sur le volet, voitures récentes et en bon état, possibilité de choisir sa musique à bord de la voiture… Du coup, les tarifs d’Uber font exploser ceux du secteur ! Les courses peuvent être facturées 4 fois plus avec un véhicule affilié à Uber Maroc qu’avec les taxis locaux. L’entreprise justifie ses prix par « des charges plus élevées pour les sociétés de transport touristique partenaires », notamment l’entretien d’un parc de voitures haut de gamme.

Uber fait en tout cas valoir que son implantation est une aubaine pour les Marocains issus de secteurs industriels sinistrés qui désirent se reconvertir dans le transport touristique : en travaillant pour Uber Maroc, les chauffeurs peuvent espérer obtenir un bonus de 2000 DH en plus de leur paye, qui représente initialement 3500 DH en moyenne.

 

Adapter les tarifs à la réalité du marché

Uber Maroc a organisé une baisse des tarifs de 30% sur toutes les courses de la gamme à Casablanca en novembre dernier pour une durée de 6 semaines. Le succès de cette promotion éphémère a suscité la révision à la baisse de la tarification des services Uber X en décembre : l’entreprise a ainsi réduit ses tarifs de 40% par rapport aux prix précédemment pratiqués. Il s’agit « d’offrir un produit à prix raisonnable [aux] passagers, toujours plus nombreux ». Uber Maroc devient ainsi plus accessible pour nombre de citadins marocains, ce qui permet d’augmenter leur fréquentation des véhicules Uber.

Depuis le 29 avril dernier, Uber teste la possibilité de payer en cash à Casablanca, ce qui permet notamment aux utilisateurs du service d’éviter de rentrer leurs coordonnées bancaires. La marque s’adapte ici au marché singulier des consommateurs de taxis marocains, réagissant « au faible taux de pénétration des cartes bleues ainsi qu’aux nombreux emails reçus de la part des utilisateurs casablancais réclamant le paiement en cash ». Casablanca entre donc dans la liste des rares villes capables d’offrir ce service depuis Uber. La possibilité de payer cash est également un moyen de faire face à la concurrence locale ; Careem, l’Uber émirati, propose déjà le paiement en liquide depuis plusieurs mois aux Marocains.

 

Un déploiement stratégique à plusieurs vitesses

La marque s’est d’abord déployée dans le cœur économique du pays en privilégiant les trajets intra-urbains. Dès son implantation à Casablanca, l’entreprise américaine avait dans son viseur des villes comme Rabat, Marrakech et Tanger qui nécessitaient toutefois une approche au cas par cas avant de penser à une implantation effective.

Depuis octobre 2015, Uber a lancé les trajets inter-villes à partir de Casablanca pour se rendre dans 7 villes : Rabat, Bouznika, Skhirat, Mohammedia, El Jadida, Rabat-Salé et Marrakech. Si les prix proposés pour les trajets sont là encore supérieurs à ceux pratiqués par les taxis locaux, Uber n’augmente pas les frais en fonction du nombre de passagers, lesquels peuvent donc partager le prix de la course.

En septembre dernier, la société de chauffeurs privés posait ses jalons à Rabat après avoir apparemment dépasser ses projections à Casablanca pour un lancement test. Uber Maroc a ensuite été lancé à Marrakech en phase « pop-up » (action marketing pour tester le marché) entre Noël et le jour de l’an, profitant ainsi de l’afflux de Marocains et de touristes venus passer leurs vacances de noël dans la ville ocre. Courant 2016, Uber Maroc devrait avoir finalisé son implantation à Rabat et à Marrakech, avant de s’attaquer à Tanger.

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