Aujourd’hui plus que jamais et notamment en Afrique, la communication interculturelle est essentielle aux affaires internationales. Cependant, les compétences en cette matière manquent encore trop souvent aux entreprises souhaitant se développer à l’international, entraînant parfois des malentendus pouvant s’avérer nocifs pour les négociations. Le jeudi 27 juin, Convergence a mobilisé des experts de haut vol au cours d’un webinaire pour tenter de cerner cette problématique essentielle à la confiance commerciale. Nous vous proposons ici de revenir sur les interventions de nos invités : Lanciné Camara (Président de l’Union Internationale des Journalistes Africains) Jean-Louis Muller (expert en management et communication), Jennifer Huang (Cheffe d’entreprise) et Patrick Vabre (professeur à l’ISTEC).
Développer une véritable communication interculturelle avec l’Afrique : un enjeu de taille
Historiquement et selon Lanciné Camara, Président de l’Union Internationale des Journalistes Africains, l’Afrique a souvent entretenu une communication avec l’Europe handicapée par une mauvaise gouvernance des relations bilatérales.
Pour qu’une confiance mutuelle puisse exister, il faut en effet que sa réciprocité puisse être démontrée. Cette première condition touche au champ du respect, envers l’autre comme envers la relation commerciale. Pour établir un tel lien, il faut savoir s’expliquer, communiquer sur ses attentes, ses craintes et ses ressentis. La manipulation — comme dans tout domaine — finit généralement par saper la confiance, facile à perdre mais difficile à regagner ; il s’agit donc de rédiger et signer les contrats les plus transparents possibles, qui profitent à chacune des parties. La communication interculturelle se doit donc avant tout de rester authentique, et ce peu importe les pays ou enjeux concernés.
Lorsque, comme entre l’Europe et l’Afrique au cours de la seconde moitié du XXè siècle, la relation de confiance a été rompue, il s’agit de la reconstruire en cherchant — ensemble — à comprendre ce qui n’a pas fonctionné. Le continent africain, de plus en plus, recherche une auto-suffisance en matière de ressources (pour la production comme la transformation) et des talents formés pour travailler sur place. Pour une relation saine et selon Lanciné Camara, l’Europe devrait comprendre ces besoins et faire évoluer ses investissements en fonction. En retour, l’Afrique ne se renfermerait pas sur elle-même (ou se tournerait moins systématiquement vers la Chine), et le commerce entre les deux régions pourrait perdurer. Cet exemple implique rigueur et communication dans la négociation des dossiers, mais aussi et surtout un lien d’égal à égal. Ce lien se retrouve d’ailleurs — du moins en surface — dans la philosophie commerciale de Pékin, qu’il convient d’étudier pour mieux comprendre le développement de l’Empire du Milieu en Afrique.
Comprendre la Chine pour mieux l’appréhender
La clarté des ambitions chinoises en Afrique ne fait plus aucun doute : obtenir une influence économique forte sur l’ensemble du continent pour développer un réseau commercial global efficient (Belt & Road Initiative). Il faut dire que son succès est assez largement dû à la culture commerciale chinoise, évoquée par Jennifer Huang lors du Webinaire et située entre conciliation et lien de confiance. Le confucianisme, philosophie historique et séculaire de l’Empire du Milieu, pousse ses adeptes à considérer le lien avec leurs prospects comme la partie la plus importante du business, devant les potentiels gains qu’un contrat signé pourrait par exemple leur apporter. Le Guan xi, ou réseau professionnel, est ainsi central dans les relations commerciales ; actant l’entrée de ses membres dans des cercles concentriques de relations matérialisant le concept de famille élargie (la famille étant le concept central du confucianisme), il est synonyme de confiance.
Pour établir cette dite-confiance en Chine, il s’agit de suivre la philosophie inverse à celle entretenue en Europe depuis des décennies. Alors que l’on va au bar en Occident pour célébrer la signature d’un contrat (et pas avant), on s’y rend en Chine dès le début de la relation professionnelle pour faire connaissance dans un cadre plus détendu et établir un lien personnel. De même, alors qu’un contrat marque la fin des négociations en Europe, il jalonne en Chine le début d’un « voyage », d’une connexion privilégiée qui unit les deux protagonistes et qui, pour perdurer, devra se trouver renforcé par des concessions réciproques. Si, depuis l’ouverture des années 1980, l’Empire du Milieu a troqué le communisme pour un capitalisme débridé (tout en conservant un communisme d’Etat ?), cela ne l’empêche pas d’avoir conservé sa culture commerciale traditionnelle qu’il s’agit de comprendre pour s’y adapter.
De même, les business men Chinois ont conservé le style paternaliste de gouvernance intrinsèque à la culture du pays, des Empereurs à Xi Jinping en passant par Mao Zedong et Deng Xiaoping. Selon Jennifer Huang, ce mode d’administration se base sur trois caractéristiques principales : la loyauté, le respect et l’autorité. Quel que soit le secteur d’activité, l’intégrité morale est cultivée tant est si bien que lorsque la confiance est établie entre deux individus, leur relation commerciale s’inscrira presque irrémédiablement dans la durée. Cependant, les nouvelles générations demeurent différentes des anciennes sur un point : elles connaissent les cultures occidentales et savent en jouer pour réussir. Si les Chinois se rendent (principalement) en Afrique pour exploiter les ressources, ils gagnent du terrain grâce à une confiance dont ne jouissent plus toujours les Européens ; ces derniers s’en trouvent parfois placés dans la catégorie des « néo-colonialistes » face au confucianisme et à l’égalité mutuelle promue par Pékin.
Selon Jennifer Huang, le caractère ambivalent des nouveaux business men chinois est ainsi mis en valeur. D’un côté, le « cercle extérieur », ou leur façon de se vendre : dignes de confiance, volontaires pour établir des relations apaisées et saines avec leurs concurrents, les gouvernements étrangers et leurs partenaires quels qu’ils puissent être. De l’autre, le « carré intérieur », leurs intérêts cachés, leur adaptabilité culturelle pour mieux convaincre et la compétitivité permanente que cache le système chinois. Face à cette double-face performante, l’Europe devra irrémédiablement s’adapter et mettre en valeur un véritable changement de paradigme pour rétablir une relation saine avec l’Afrique. De son côté et selon Lanciné Camara, l’Afrique devra également s’attaquer aux difficultés internes qui minent son développement
Pour Convergence
Yann VIGNALS
Master 2 Relations Internationales Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Collaborateur Elecio Consulting
Diplômé d’une licence d’Arabe & Relations Internationales à l’INALCO (Paris), il poursuit actuellement ses études en Master à la Sorbonne. Spécialiste des zones Afrique & Moyen-Orient, Yann a rédigé plusieurs articles sur la situation en Palestine pour le journal Classe Internationale et a également été pigiste dans la presse locale. Dans le cadre de son stage de fin de Master 1, il est actuellement collaborateur chez Elecio Consulting, cabinet de conseil parisien travaillant sur l’internationalisation des entreprises dans ses zones de prédilection.
Source : Webinaire Convergence du 27 juin 2022
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