Véritable accélérateur de développement, l’internet haut débit offre de nouvelles opportunités pour les jeunes du monde entier en permettant par exemple à des jeunes filles qui en sont privées d’accéder à l’éducation, à des minorités marginalisées de disposer d’un espace d’expression mais aussi à une économie de faire progresser la compétitivité et l’intégration internationale. Comment l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont-ils entamé le virage du numérique ?
La pression croissante de la jeunesse sur le monde arabe
Les pays arabes ont prouvé que croissance économique ne rimait pas forcément avec développement : les inégalités sociales étaient littéralement criantes il y a encore 5 ans. La question est toutefois encore loin d’être réglée, puisque l’OIT établit encore le taux de chômage des jeunes à respectivement 30,5 et 28,2% en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en 2014.
Les possibilités de croissance à court terme, déjà affaiblies par la relative instabilité politique de la région, ne doivent pas être envisagées en-dehors de la capacité des pays arabes à créer suffisamment d’emplois, en particulier pour les travailleurs qualifiés. Les économies des pays arabes sont dominées par de petites entreprises (en grande majorité disposant de moins de 50 salariés) et par des activités agricoles. Ces constellations de PME, quand bien même elles regorgent d’un fort potentiel, ne se développent finalement quasi jamais assez pour entrainer des créations d’emplois. Or les secteurs qui offrent le plus de possibilités de développement sont l’agriculture, la construction et le tourisme – des secteurs en somme peu enclins à créer des emplois qualifiés et particulièrement sensibles aux aléas conjoncturels du climat, de l’économie mondiale et de la gouvernance politique.
La pression exercée par les jeunes sur le marché du travail régional est une réalité qui ne tend pas à s’estomper : la population active devrait passer de 125 à 167 millions de personnes d’ici 2030, soit une augmentation de plus d’un tiers en une quinzaine d’années. La question de l’emploi de cette masse salariale est bien sûr devenue la grande priorité des gouvernements, mais d’autres enjeux émergent de ce contexte d’accroissement démographique.
Développer la connectivité, une nécessité pour redynamiser la région
En effet la question de la connectivité se pose de plus en plus dans une région où les jeunes de 15 à 24 ans représentent environ 30% de la population. L’accès à l’internet haut débit devient une condition sine qua none à l’émergence d’initiatives entrepreneuriales locales pour toute économie qui se veut tournée vers l’avenir. Ce ne sont rien de moins que les médias sociaux, les plateformes de crowdsourcing, l’enseignement à distance ou encore les blogs éducatifs qui permettront aux jeunes de ces pays en mal d’opportunités d’emploi d’appréhender les défis auxquels ils font face, et de trouver eux-mêmes les solutions qui vont leur permettre de pouvoir faire émerger les nouveaux atouts de la région méditerranéenne.
Au-delà des seuls jeunes, ce sont les économies de la zone dans leur globalité qu’Internet va faire croître : non seulement le réseautage social est un pré requis pour les start-up et les jeunes entreprises en ce qu’il leur permet d’accroitre considérablement leurs débouchés, mais l’internet haut débit permet aussi aux entreprises locales d’atteindre des marchés plus vastes et pourquoi pas de se développer à l’international.
Profiter du potentiel propre au monde arabe pour développer les opportunités du numérique
Ce n’est pas par défaut de talents ou de ressources que le monde arabe fait état d’un des plus bas taux de pénétration du haut débit mais bien à cause du coût de l’accès aux technologies du numérique. La Banque Mondiale estime en effet que le coût d’un abonnement mensuel à l’internet haut débit reviendrait à plus de 26% du revenu de la moitié des Marocains !
Pour la Banque Mondiale, le désenclavement du marché de l’internet haut débit dans le monde arabe doit passer par l’émulsion de la concurrence, notamment en favorisant la compétition, et en démantelant les conglomérats qui se partagent avidement le marché actuel où ils ne favorisent ni la baisse des prix, ni l’amélioration de la qualité des services. Pour exemple, la libéralisation des marchés de l’internet en Europe de l’Est et en Asie sur le plan des infrastructures, des réseaux mais aussi des services et des contenus a permis de développer un potentiel jusque-là sous-estimé.
La CNUCED rejoint cette conclusion et soutient que le fossé entre le monde arabe et le reste du monde en termes d’accession à l’internet haut débit tient principalement à la structure du marché, de la compétition et de la gouvernance. Elle propose également de s’appuyer sur l’utilisation des câbles de fibres-optiques des services de transport et d’énergie pour renforcer la connectivité sur la zone.
Les bailleurs de fonds étrangers ne s’y sont pas trompés : le secteur des télécommunications est depuis ces dix dernières années la principale source d’attraction des IDE à destination du monde arabe. Il suffirait alors que les gouvernements mettent en place un cadre favorable pour que ces fonds soient alloués au développement du numérique afin de garantir l’essor rapide de l’internet haut débit.
Les défis sont encore conséquents d’ici à ce que le monde arabe devienne la nouvelle économie digitale de demain, mais le potentiel de la région est d’autant plus intéressant que les acteurs sociopolitiques locaux font pression pour qu’advienne ce changement.