La francophonie économique sera efficace si elle sert les intérêts des millions de francophones en mettant en cœur de son action le développement de l’entrepreneuriat, de l’éducation et de la formation en langue française et le libre échange au sein de la francophonie
Il nous revient, à nous qui sommes contemporains du monétarisme triomphant et du néolibéralisme intégral, d’expliquer que parler d’économie en francophonie, ce n’est pas forcément devenir adepte de la religion de l’argent roi et du profit sans frontières. Au contraire, c’est inscrire l’économie comme une sphère imbriquée au sein de la vie sociale comme l’économiste hongrois Karl Polanyi l’a suggéré.
L’effet dit de « création de commerce » est évalué à 24 % au sein de l’espace francophone. En revanche, ne pas parler la même langue agit exactement comme si on instaurait une taxe de 7 % sur les transactions commerciales, du fait notamment des coûts de transaction induits par l’hétérogénéité des références linguistiques, juridiques et culturelles.
Il faut donc passer de l’existant au volontarisme, c’est tout l’enjeu du programme d’action de la Francophonie économique, dont l’objectif est de faire de l’espace francophone, un espace d’échanges, de prospérité et de solidarité partagés, comme le préconisent les orientations de la stratégie économique pour la francophonie, adoptée en 2014 à Dakar, lors du quinzième Sommet des chefs d’États et de gouvernements de la Francophonie.
Dans un monde qui se recroqueville, la Francophonie doit donner des gages d’ouverture. À l’heure où les inégalités s’accroissent et où l’insécurité s’affirme objectivement comme une tendance lourde, la recherche de solutions permettant d’assurer la stabilité devient un impératif, sinon une urgence absolue. Cette recherche ne doit pas porter sur la préservation des acquis d’une élite manducatrice et rentière, les « élites », mais doit concerner des centaines de millions de jeunes et de femmes qui, au quotidien, se battent pour survivre dans un contexte de violence économique, sociale et politique décuplée.
Pour ces jeunes, hommes et femmes, l’entrepreneuriat n’est pas une lubie passagère, c’est parfois le seul canal de survie individuelle et familiale, le seul moyen de rester digne dans des sociétés qui ont pris pour habitude de culpabiliser les plus vulnérables au lieu de les protéger. Considérant cette situation et l’émergence timorée de classes moyennes (notamment en Afrique), l’entrepreneuriat doit être au cœur du projet de la Francophonie économique, et ce en adéquation avec ses valeurs cardinales que sont : la démocratie, la paix, la justice sociale et l’équité économique, pour un monde solidaire.
Un « oubli » regrettable
Ce qui ne signifie pas absoudre la Francophonie d’une réflexion sur la vision macroéconomique de la production et de la répartition des richesses. En effet, nulle part dans la Stratégie économique pour la Francophonie, il n’est fait mention de l’impératif pour les économies francophones, en particulier africaines, de produire et transformer sur place leurs matières premières. Il n’y est fait référence qu’aux échanges et à la solidarité, bref à la perpétuation du modèle actuel d’insertion primaire des économies africaines au sein du commerce international.
C’est un « oubli » qu’on pourrait qualifier de regrettable et qu’il conviendra de réparer si d’aventure, le texte de cette Stratégie devait être repris. Les différentes « couleurs » de l’économie : la verte, pour les changements de pratiques et de comportements indispensables à la préservation des écosystèmes naturels ; la bleue centrée sur l’économie maritime ; la virtuelle, issue de la révolution numérique ; et l’orange, qui place comme leviers majeur du développement les industries culturelles et créatives devront permettre d’esquisser les tableaux d’une Francophonie de l’action, portée par le numérique, vers l’égalité des genres et la jeunesse.
L’Observatoire de la Francophonie économique, créé en juin 2017 sous l’égide de l’Université de Montréal et de l’Agence universitaire de la Francophonie, ainsi que le Forum francophone des affaires, doivent prendre toute leur place dans l’étude et la mise en œuvre de cette économie « arc-en-ciel » qui illustre les dynamiques économiques francophones.
L’égyptien Boutros Boutros Ghali, son premier secrétaire général, évoquait souvent le « devoir de subversion » de la Francophonie. Malheureusement, ce devoir est largement resté lettre morte en matière économique, face à la puissance du « consensus de Washington », véritable ode au néolibéralisme. La secrétaire générale de la francophonie élue à Erevan le 12 octobre, Louise Mushikiwabo aura certainement à cœur d’ajuster le « consensus de Kigali », mélange composite de néomercantilisme et de volontarisme politique, qui a fait du Rwanda le pays modèle célébré partout pour sa réussite économique. Espérons qu’elle y arrivera, même contre les français…La francophonie économique en est encore à son stade conceptuel. Il va falloir faire beaucoup d’efforts, car la francophonie en tant qu’institution est une vieille dame extrêmement bureaucratique, politisée, et trop sous influence française pour pouvoir refléter la nouvelle dynamique telle qu’elle est aujourd’hui au sein même des pays francophones, avec une montée en puissance, notamment des pays d’Afrique francophone. Il est important de lui donner les moyens de passer de la phase conceptuelle à la phase opérationnelle. »
- L’Afrique francophone
La francophonie économique est présente sur pratiquement tous les continents. Les échanges commerciaux francophones représentent 20% du commerce mondial et chaque pays membre échange un quart de sa production avec ses partenaires francophones. Il y a 250 millions de personnes qui parlent Français dans le monde, mais c’est en Afrique francophone que se situe le plus important flux d’affaires. La position de la France dans l’Afrique de l’ouest est prédominante. La France représente près de 5% des importations du continent et 12% sur l’Afrique francophone avec beaucoup d’implantations locales, bien plus que d’exportations. Toutefois, ce sont majoritairement des grands groupes qui s’y implantent, ce que regrette Etienne Giros : « Le CIAN supporte le développement d’un tissu industriel de transformation ou de PME africaines. Et les français ont un rôle à jouer. Le conseil qu’on leur donne c’est de s’associer avec un partenaire africain. Il faut que les PME françaises prennent le risque d’aller en Afrique qui est le relai de croissance des 30 années à venir et qu’elles le fassent maintenant car il y aura peut-être beaucoup moins de places et d’opportunités dans 15 ans. »
- Qu’est-ce que le CIAN ?
Le CIAN, association loi 1901, est une organisation patronale privée française qui rassemble les entreprises industrielles et de services investies en Afrique. L’organisation est issu de deux groupements syndicaux professionnels, l’un commercial, la Fenasycoa (Fédération nationale des syndicats du commerce ouest africain), l’autre industriel l’AIAT, qui réunissait divers syndicats professionnels français créés au temps de la colonisation française, puis des indépendances des Etats Africains.
Sa principale mission est d’exprimer la vision et le point de vue des entreprises françaises, d’apporter conseil et appui à ses adhérents dans le cadre du développement de leurs activités en Afrique.
A travers leurs 1 000 établissements et 80 000 collaborateurs sur place, ses membres réalisent un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros, soit 75% de l’activité française en Afrique.
- Le comportement de la France historique prévaut en Afrique
Le paysage des affaires a changé en Afrique et les cartes ont été rebattues avec l’arrivée des Chinois. Les émergents et en premier lieu la Chine, première puissance économique sont devenus incontournables dans tous les échanges mondiaux y compris dans les pays francophones d’Afrique. Mais la France reste un partenaire privilégié selon Lionel Zinsou, président du fonds d’investissement PAI Partners : « La Chine et les pays émergents, ont vu bien avant l’Europe la croissance africaine et son potentiel, et ça depuis 20 ans. Ils ont beaucoup progressé. Mais comme les pays d’Europe ont un siècle d’antériorité ils ont encore beaucoup d’actifs dans le monde africain francophone et dans les pays lusophones et anglophones. Total investit là où il y a du pétrole pas forcément là où on parle Français, idem pour Lafarge qui construit des usines de ciments là où on urbanise. Donc il n’y a pas de pré-carré français, mais il y a cette position historique qui reste quand même avantageuse. »
- De fortes inégalités entre pays francophones
Si la francophonie économique existe bel et bien, elle n’a pas la puissance de feu du Commonwealth. Elle connait des freins. Il faudra du temps avant que les pays francophones acceptent une unification de leur politique économique et l’ouverture de leurs marchés. De plus il subsiste de fortes inégalités de richesse entre les pays membres. Hormis le Canada, la France et la Belgique les autres pays membres sont parmi les pays les plus pauvres. A l’inverse, le Commonwealth compte dans ses rangs des pays riches et de grands émergents comme l’Afrique du sud, ou encore le Nigeria, première économie du continent africain.
Le premier pays francophone dans le commerce extérieur de la France est la Belgique à la 5ème place, ensuite la Suisse à la 9ème et enfin l’Algérie, à la 15ème place dans nos exportations et elle est au-delà de la 20ème place dans nos importations mais l’Algérie n’est pas inscrite dans l’OIF.
Nous pourrions parler plus longuement de la Francophonie mais la conclusion évidente est que la culture française est bien un levier dans l’économie francophone qui peut permettre à à la France maintenir un impact positif sur le monde.
Que faut-il donc faire :
- Faire apprendre le français aux africains dès le plus jeune âge par voie digitale ;
- Faire apprendre un métier par des alliances d’écoles en France et en Afrique, par instructeurs à distance, afin que ce continent trouve, le plus rapidement possible, son autonomie.
- Créer une zone de libre &échange francophone en Afrique.
- Se servir de l’exemple d’Erasmus pour faire apprendre le français à tous les francophones africains.
Pour Convergence
Louis BACHOUD
Ingénieur Arts et Métiers, Ingénieur Mécanicien de la Marine, Architecte, Urbaniste, Louis BACHOUD a été professeur au Centre d’étude et de formation des assistants techniques du commerce (CCI), Chargé de cours à l’Université Robert Schumann à Strasbourg et professeur à l’Association Française d’Eclairage. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages portant sur la culture et le développement économique aux éditions Valensin. Son dernier ouvrage paru aux éditions Valensin « l’Evangile selon Saint Finance ».
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