C’est notre monde d’aujourd’hui que décrit à sa façon l’auteur, dans un style souvent simulé de la tradition biblique. Dieu Money s’est rendu maître des dieux et des hommes. Son clergé, Les Grands Argentiers, sous les ordres de Saint Finance conduisent en se basant sur une nouvelle chimère, la Théorie Monétaire Moderne, nos peuples vers une perte d’âme.
Car pour l’auteur de L’Evangile selon Saint Finance, au sacré du monde marchand, il faut opposer non pas un retour à la tradition, mais un renouveau du sacré, voire un nouveau sacré.
En ces temps du XXIème siècle, il faut dire que la puissance du Dieu Money ne s‘était pas développée indument sans dégât. Si les hommes lui ouvrirent rapidement les bras, malgré quelques escarmouches vite terrassées par une production intense d’armes, la terre avait perdu son indépendance et avait été mise en esclavage. Les montagnes, les collines, les plaines, les rivières, les mers, les mammifères, les invertébrés, les oiseaux, les poissons, tous les végétaux même les insectes et les microbes furent mis au service de Money. Il fallait toujours plus. Le Dieu Money voulait dépasser tous ceux qui l’avaient précédé dans les représentations de la puissance.
Les cathédrales, les minarets symboles et références du pouvoir des Dieux les plus reconnus qui dominaient les paysages furent vite rendu à des valeurs archéologiques quand il donna à ses Argentiers et au chef Financier, le Maître de l’Ordre des Banquiers, l’ordre de bâtir jusqu’aux nuages. Certaines constructions étaient si hautes que la terre n’était plus visible depuis leur sommet. Et tous les peuples se disputaient la gloire de posséder la plus haute tour.
Les forêts disparaissaient lentement sur tous les continents et leurs habitants furent mangés ou disséminés dans des mouroirs éducatifs. Mais l’air qui était purifié par les feuilles, les fleurs, les arbres, devint parfois nocif pour les hommes. Alors le dieu Money demanda à tous les fidèles et prosélytes de faire pousser sur les façades sur les toits, dans les rues, des végétaux de remplacement. On ne savait plus pourquoi on avait coupé tant d’arbres qu’il fallait les remplacer par d’autres poussant mal sur le béton et qu’il fallait chaque jour soigner. Pour que la croissance perdure, le Dieu Money avait donné ordre au Souverain Pontife de la Finance de transformer l’homme en un consommateur écervelé.
Ce dernier s’y prêta facilement. Ainsi son poids gagna en quelques années des kilos et même ses animaux domestiques devinrent obèses. Les occidentaux mutèrent dans un fort pourcentage en une humanité grasse. On appela rapidement cette transformation une maladie afin de déculpabiliser le consommateur.
Ainsi l’épidémie d’obésité continue encore de s’aggraver, particulièrement dans les pays de l’Ouest où 40% des femmes, 35% des hommes, ainsi que 17% des enfants et adolescents entrent dans cette nouvelle espèce, en ces temps qui sont les nôtres. Ce laisser-aller des humains, ce manque de respect de soi, de son corps étaient rendu visibles dans les rues. La grâce de la marche sur les trottoirs de la foule en promenade se mit à ressembler de plus en plus à une reptation cahotante. L’homme avait oublié son corps naturel.
L’homme avait cédé attention de soi et des autres pour les plaisirs immédiats de la chair. Cette surconsommation de produits prêts emballés entraîna une production de déchets innombrables en plastique, verres, bois cartons et papiers.
Quand des continents de déchets se mirent spontanément à dériver sur les océans, Le Dieu Money, dans une grande fureur, décida de ne conserver que certaines mers pour l’agrément des hommes et ferma avec des drapeaux rouges et des barrières, les lieux pollués.
Des mers furent asséchées et effacées de la carte du monde. Les grands lacs millénaires devinrent la sépulture du vivant.
L’Homme né ce matin ouvre les yeux sur ce monde.
Est-ce une palingénésie ?
Est-ce la réalisation d’une prophétie ?
Après une longue gestation obscure, il s’effraie à cette aube de vie avec le monde de la terre et regarde avec désespoir les nuages maquillés d’or, allongé sur le duvet d’une mousse piquetée de marguerites sauvages blanches au cœur jaune, et de violettes bleues nuit. Se levant, il observe tous les feuillages et fleurs qui le surveillent et annoncent que ce matin est « juste et généreux ».
Autour de lui, ce qui courre, galope, vole-lui annonce qu’il est maintenant temps de vivre et donc de nourrir son corps pour la journée. Il s’intéresse avec plaisir aux couples d’oiseaux noirs et blancs bavards car leur langage exprime la faim, le plaisir et la recherche. Il n’a pas à répondre ou produire un son. Il connait le langage de tout ce qui vit. Les sonorités, les tremblements de l’air, les odeurs qui se dispersent sur son passage sont des parlers dont il saisit toutes les expressions. Voyant des baies sauvages, il sait qu’il peut les manger ainsi que les racines que grignotent les lapins.
Il commence alors sa marche vers le soleil levant dans le trait d’une poudre lumineuse qui descend des branches d’arbres. Il est de corps fibreux et son pas est souple.
Très rapidement l’Homme se trouve hors du bosquet forestier où il avait fait retour à la vie des terriens. Devant lui la terre est une vague frissonnante cuivrée ou un tapis vert, divisés par des rubans gris ou Sienne. Rien n’arrête le regard dans cette vide ordonnance sauf certaines machines vibrantes se déplaçant, à l’intérieur de ce tapis végétal, suivant une loi venue d’ailleurs. Rien ne l’étonne. Il pose ses mains sur le haut de la tête pour contenir ses perceptions et discerner plus aisément la rumeur du blé domestique qui dit encore avec des sonorités de dix mille ans d’âge:
– Dans un trou, tes ancêtres m’ont enfoui et ma vacante course s’est arrêtée avec la leur. Ils ont labouré ma terre et semer en lignes trajectoire de javelot. Ils étaient alors souverains. Nous étions épis déhiscents indépendants et jouions sur les plateaux aux racines courbes de nos blondeurs luisantes. L’humain avalait notre vie juste pour la faim, laissant notre destinée s’organisait aux vents.
Pourquoi Homme t’es-tu arrêté de marcher pour te croire sédentaire ? La terre a dit alors sa souffrance et le ciel se fit plus profond. Oh toi, sache qu’en ces temps le vivant s’imbriquait, et la terre et la mer d’où tous nous naissions régnaient en maître sur ce jardin où la lumière était la nôtre. Partagées maintenant nos clartés se sont éteintes. Je suis domestiqué mais je vous ai soumis.
L’Homme ouvre les bras au vent comme pour s’offrir aux voix qui n’ont pas encore pleuré les aurores trop éphémères de la vie innocente des créatures.
Alors le Dieu Money souffle grand vent sur le plateau jusqu’à coucher le blé:
– Homme sans foi, incrédule sujet, injuste mécréant, grâce à ton établissement sous un toit, pour ligner la terre, pour élargir tes moissons, je t’ai fait devenir le suprême mangeur de la faune et la flore. Je suis le premier dieu qui t’offre le possible échange de tes obscurs desseins contre tes blés, tes femmes et animaux. Je suis venu, avant tous les autres, te porter main forte dans cette nouvelle et malaisée existence. Pour célébrer ta vie, tu es maintenant soumis à tous les autres humains, au climat, au travail, à tes ennemis mais aussi à l’adoration de ma valeur. Jéricho, ville des palmes n’était pas encore construite mais je savais que déjà les Dieux lunaires, puis Yahvé et ses alliés s’acheminent pour exhausser mon vœu et rassembler tes frères et sœur comme termites. J’étais donc là près de vous pour transfuser dans leur mémoire la première dépendance à ma pratique et existence et. Par bonté et pour marquer vos esprits de ma supériorité, bien avant la venue du Christ j’offrais aux hommes les cauris qui circulèrent sur toutes les mers et j’ai fait de Crésus une divinité chaque jour enviée et perpétrant toujours le rêve aux terriens. Ils cherchent toujours dans mon verbe l’écoulement liquoreux de pactole.
L’homme écoute Dieu Money avec tranquillité. Il sent monter en lui une certitude. S’il ne sait pas son nom, s’il ne connait pas son origine, s’il ne pressent pas de quelle chair son corps est bâti, s’il ressemble cependant aux fidèles de Money, c’est dire aux humains, il est maintenant averti de sa compréhension de toutes les langues, ou dialectes, ou idiomes, ou élocutions, ou expressions, ou comportements, de tous les aboiements, les hennissements, les bafouillis, les baragouins, les sifflements, les glapissements, les gazouillis, et encore de tous les sons qui disent, des tremblements de l’air, des déchirures du temps du cri de la bête blessée ou de l’onde douloureuse de l’arbre frappé par la hache et de toute l’animation et de tous les échanges du monde terrien vivant. Et tout lui crie que le Dieu Money est toxique pour la terre et les terriens.
Pour Convergence avec l’autorisation de l’Auteur
Chapitre 2 « En ces temps-là, les ignorants avaient des certitudes » Extrait de « l’Evangile selon Saint Finance ». paru aux éditions Valensin
Louis BACHOUD
Ingénieur Arts et Métiers, Ingénieur Mécanicien de la Marine, Architecte, Urbaniste, Louis BACHOUD a été professeur au Centre d’étude et de formation des assistants techniques du commerce (CCI), Chargé de cours à l’Université Robert Schumann à Strasbourg et professeur à l’Association Française d’Eclairage. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages portant sur la culture et le développement économique aux éditions Valensin.
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