​La France veut rattraper le terrain perdu au Maroc !

La France est toujours l’un des principaux partenaires commerciaux du Maroc et la coopération économique entre les deux pays est sans cesse renouvelée par nombre d’accords. Mais l’exceptionnalité des relations économiques du couple France-Maroc est-elle encore une réalité ?
Le Maroc est l’un de ces rares pays qui peuvent encore jouir des fruits de leur attractivité quand la crise économique s’éternise et que les temps s’assombrissent pour l’Afrique. En 2015, le royaume a attiré 3,6 milliards d’euros d’Investissements directs à l’étranger, principalement dans le domaine industriel avec l’automobile et l’aéronautique (PSA, Stelia, Figeac Aero et Delfingen). Avec une progression de près de 7% par rapport à 2014, le Maroc est venu se placer en 75e place du classement Doing Business 2016 de la Banque Mondiale et enregistre son plus bas déficit commercial depuis 10 ans.

 

La coopération franco-marocaine sans cesse renouvelée

Traditionnellement, la France, l’Arabie Saoudite et l’Espagne sont les principaux pourvoyeurs d’IDE au Maroc. Dans les faits, la France représentait encore 21% des flux d’IDE perçus par le Maroc en 2014, loin devant l’Arabie Saoudite et ses 12,8% et l’Espagne avec 4,3%.

Où en est le fameux couple France-Maroc dans tout ça ? Pour le journal marocain Lakome, c’est « grâce à une indépendance “négociée” et à la qualité des réseaux tissés depuis avec le Palais et la bourgeoisie marocaine, [que] la France est restée jusqu’à aujourd’hui un acteur majeur de l’économie du royaume ». Lakome notait qu’en 2012, la plupart des entreprises du CAC40 étaient présentes sur le territoire marocain et profitaient de larges marges de bénéfices, lesquelles étaient d’ailleurs plus souvent rapatriés en France que réinvestis dans le royaume. « Le chiffre d’affaires des 20 premières sociétés marocaines à capitaux français représent[ait] plus de 10% du PIB du royaume ! ».

En mai 2015, la 12e réunion de haut niveau France-Maroc permettait la signature d’une quinzaine d’accords favorisant principalement les affaires entre les deux pays. Le Maroc a d’emblée mis en avant ses priorités économiques et les discussions se sont donc concentrées sur la co-localisation, la ré-industrialisation des deux pays et la conquête des marchés africains. 25 millions d’euros ont été alloués aux PME marocaines pour leur permettre de financer des achats de biens et services français, la France a signé une convention-prêt de 10 millions pour la création au Maroc d’Instituts de formation professionnelle aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (IFMEREE), sans compter tous les prêts accordés par l’Agence française de développement aux entreprises implantées dans les deux pays.

 

Un climat difficile pour la France ?

Mais si les relations économiques du couple France-Maroc semblent toujours au beau fixe, il faut bien noter qu’elles ont subi de grands bouleversements depuis les années 1990. D’une part, l’économie marocaine s’est ouverte progressivement il y a maintenant une vingtaine d’années et a découvert la concurrence internationale. Craignant l’arrivée sur le marché marocain de banques concurrentes dites islamiques et les retombées de la crise économique, la France s’est rapidement retrouvée acculée par la faiblesse à l’export de ses PME et, en 2012, l’Espagne lui a soufflé la place de premier fournisseur du royaume.

D’autre part, de grands groupes français qui avaient bénéficié d’opportunités ont dû céder un peu de leurs avantages. Par exemple, Auchan a été contraint par la justice marocaine d’augmenter le nombre d’administrateurs marocains dans ses filiales, remettant en cause l’accord que le groupe français avait signé avec l’ONA1. Entre 2005 et 2007, Axa, Veolia et Danone ont également pâti d’un revirement de stratégie du Palais dans le domaine économique. En 2010, le pouvoir a fait fusionner l’ONA et la SNI, après quoi Lafarge, Axa et Danone ont dû engager de nouveaux fonds pour être intégrés dans le nouvel ensemble. En 2013, c’était Veolia qui se désengageait du Maroc au moment où Vivendi cédait 53% des parts de Maroc Telecom à l’émirati Etisalat.

Au regard de ces changements, les relations franco-marocaines ont été contraintes d’évoluer. La France joue désormais la carte du win-win : il s’agit pour elle de promouvoir les investissements dans des secteurs où les entreprises françaises sont réellement compétitives. Les rencontres de haut niveau entre les deux pays de ces dernières années ont ainsi mis l’accent sur des secteurs comme le transport, l’énergie, l’automobile, l’aéronautique ou encore l’agro-alimentaire après avoir bien pris soin de décortiquer toutes les opportunités de coopération.

Les 10 et 11 mars, la Délégation MEDEF International au Maroc aura pour objectif de se pencher sur la tendance de long cours à la fragilisation des parts de marché françaises au Maroc. Le constat que le royaume commence à diversifier ses partenaires commerciaux commence à inquiéter les entreprises françaises alors même que leurs achats depuis le Maroc ont nettement progressé. Ce sera l’occasion pour les communautés d’affaire françaises et marocaines d’échanger sur l’attractivité des différents secteurs dans les deux pays, de l’état de la formation mais aussi des opportunités du secteur numérique.

Une nouvelle jeunesse pour les Ressources humaines

Le secteur des RH est en plein bouleversement ! Les nouvelles techniques mais aussi les nouveaux entrants sur le marché du travail renversent les cadres de la profession. Le secteur RH va devoir intégrer la digitalisation comme source d’opportunités pour assurer son développement voire sa pérennité, de même que son modèle de recrutement va devoir être rapidement adapté aux attentes de la chaotique génération Z.

Prendre le tournant de la digitalisation

Pour les professionnels des RH, la digitalisation de leur profession est fortement susceptible d’avoir pour effet d’améliorer leur rôle au sein de l’entreprise. Pourtant celle-ci est encore loin d’être généralisée et les acteurs se montrent relativement réticents à l’engager. Telles sont les conclusions tirées par l’étude d’Unow « RH et transformation digitale » relayée par le Journal du net.

Deux freins principaux viennent entraver la digitalisation du secteur. Tout d’abord, les acteurs du secteur font preuve d’une certaine angoisse quant à la transformation de leur profession : 75% des interrogés reconnaissent méconnaitre encore largement toutes les propriétés du digital. Pour le directeur d’Unow, le second obstacle est organisationnel : « Les entreprises actuelles fonctionnent la plupart avec une hiérarchie pyramidale et une organisation en silo », or les entreprises innovantes d’aujourd’hui fonctionnent de manière éclatée et transversale.

Notons toutefois que les professionnels des RH sont très optimistes quant aux effets de la digitalisation à venir, perçue comme « une véritable opportunité, tant pour leur organisation que pour leur métier ». Les DRH sont bien conscients des enjeux qu’induisent le Big Data, les données comportementales ou encore les données issues des réseaux sociaux. De même, les nouveaux outils qui sont entrés en force dans l’organisation et le fonctionnement quotidien des entreprises doivent impérativement être saisis par les RH. On peut penser ici aux réseaux sociaux d’entreprise, aux vidéoconférences ou encore à la connexion à distance aux terminaux de recrutement. Aussi, l’automatisation des fonctions RH est un enjeu clé de l’évolution du secteur : il s’agit là d’informatiser les processus RH les plus administratifs pour permettre aux professionnels de déployer leur énergie et leurs ressources ailleurs.

 

Les moins de 20 ans vont bientôt semer le chaos dans les entreprises

Les premiers agents de la fameuse « génération Z », nés en 1995, arrivent sur le marché du travail, et ils représentent un enjeu de recrutement majeur pour les entreprises – qui vont devoir se montrer conciliantes. En France, ils sont quelques 16 millions et pour Eric Delcroix, conseiller en entreprise, ils vont dynamiter la hiérarchie pyramidale ! En effet, ils détestent les ordres : « ce sont des freelances nés ». Ce qui fonctionne avec eux, c’est le challenge permanent : il faut sans cesse les lancer sur de nouveaux objectifs, de nouvelles missions – et surtout profiter de leur capacité à travailler de manière autonome. Chez Google, on va plus loin dans l’émancipation de ces nouvelles recrues : un à deux jours par semaine, elles peuvent bénéficier des infrastructures et des relations de l’entreprise pour monter et développer leur propre projet. Le géant informatique se dote ainsi d’un véritable incubateur en interne, le meilleur moyen de fidéliser cette génération réputée sans attaches.

Les Z se caractérisent par une perspective internationale voire globale et c’est tout naturellement que plus des deux tiers envisagent de travailler à l’étranger d’après l’enquête « La Grande invazion » portée par BNP Paribas et The Boson Project. Du coup, les entreprises vont devoir prendre en compte l’attraction que représente un poste qui nécessite de voyager et les grands groupes vont devoir mettre l’accent dans leur communication sur les perspectives professionnelles à l’international.

Autre enjeu majeur de l’intégration de cette génération au monde du travail : l’adaptabilité des emplois du temps. Ces jeunes hyper connectés bousculent les frontières entre heures de travail et temps privé, ils se connectent depuis leurs smartphones pour suivre les évolutions de l’entreprise en temps réel. Eric Delcroix explique : « Nés avec le web 2.0, ils sont habitués à une grande réactivité et ne connaissent pas le formalisme des rapports hiérarchiques : s’adresser directement au patron de la société ne leur pose aucun problème ».

Pourquoi une telle réactivité ? Les Z ont besoin d’être constamment rassurés et encouragés, ils veulent du feedbacket avalent les critiques sans trop de difficultés. Pour Nicolas Sadirac, directeur général de l’Ecole 42, « ils ont un rapport décomplexé à l’erreur », contrairement à leurs aînés. Ils préfèrent reconnaitre leur manque de connaissance dans un domaine plutôt que d’être pris en flagrant délit d’incompétence.

Très sensibles à la transparence, les Z sont particulièrement attachés à l’e-réputation des entreprises qui leur permet d’évaluer ambiance et conditions de travail par le biais des voix des employés-mêmes. Le salaire n’est plus la principale motivation à l’embauche, il s’agit désormais de proposer un cadre de travail (et donc de vie) attractif, innovant, changeant et séduisant. Les entreprises qui adoptent des politiques RSE ont tout compris. Les Z attendent de l’entreprise qu’elle s’implique et s’engage pour le monde de demain, et cela en toute sincérité.

 

Recruter la génération Z

Les recruteurs actuels ont changé de perspective vis-à-vis de leur profession, et c’est tant mieux ! Professionnel des réseaux sociaux, le recruteur moderne est hyper connecté, multifonction, très accessible. Il est à la fois chasseur et ambassadeur et va chercher les candidats – qu’ils soient actifs ou passifs – là où ils se trouvent, c’est-à-dire sur Linkedin, Viadeo, Facebook ou Twitter. Tant mieux parce que les Z qui débarquent sur le marché de l’emploi n’ont aucune intention de déposer leur CV et lettres de candidature sur un Internet déshumanisé. D’après François Geuze, maitre de conférences en ressources humaines à l’université de Lille, les jeunes recherchent un « recrutement agile, mobile et digital » inclus dans des interactions humaines.

Ces « digital natives » accordent une importance considérable à leur réseau, devant leur diplôme ou même les compétences inscrites sur leur CV. A ce titre, considérer la cooptation comme moyen de recrutement n’est pas insensé. Mais cela va nécessiter un rapport complètement différent des entreprises au turnover : et si le départ d’un salarié n’était plus considéré comme un échec mais comme un moyen d’étendre le réseau de l’entreprise ?

Aujourd’hui, les entreprises sont encore en position ascendante et se contentent d’amasser un maximum de CV par des procédés véritablement industrialisés. Demain, elles devront abandonner ce modèle et devenir des acteurs proactifs du recrutement en cherchant à susciter l’intérêt des candidats. Dans les PME, qui ont déjà un fonctionnement transversal et à taille humaine, les difficultés induites par ce changement de paradigme devraient être surmontées assez facilement. Mais ce sera plus compliqué pour les grandes entreprises fondées sur une organisation en silo ou encore pour les sites de recrutement en ligne qui se contentent d’analyser les mots clé des CV et ne prennent pas encore en compte l’inversion du modèle en train d’opérer.

La génération Y qui avait pris de plein fouet l’explosion du chômage des cadres, la crise de 2008, la généralisation des CDD ou encore la rareté du CDI. Mais d’après Didier Pitelet, directeur de l’agence de communication Onthemoon, contrairement à leurs prédécesseurs, les Z « savent qu’ils risquent de connaître la crise et la précarité. Cette génération a acquis le fait qu’elle devra changer plusieurs fois de carrière dans sa vie. Pour eux, c’est un fait. La mobilité est désormais choisie et non plus subie ».

En cela, ils développent des solutions parallèles : la génération Z est plus entrepreneuriale et plus indépendante. D’après « La Grande invazion », ce ne sont pas moins de 47% des Z qui souhaitent créer leur propre entreprise ! Cette génération d’entrepreneurs a du mal à coller aux modèles actuels de l’entreprise. D’ailleurs, ces jeunes ne veulent pas choisir leur métier par raison mais par passion, préférant ainsi la liberté d’action au confort du salariat. A ce compte-là, demain ce ne sont pas des talents mais des compétences liées à un projet que les entreprises vont recruter !

Le Maroc fait le choix du renouvelable

En décembre dernier, le Maroc s’était illustré à la COP 21 parisienne par ses objectifs ambitieux et son rôle de chef de file africain en termes d’énergies renouvelables. La semaine dernière, le roi a annoncé le début de l’exploitation de Noor 1, première phase de la centrale solaire de Noor située à Ouarzazate. Celle-ci devrait faire la taille de Rabat et pouvoir produire de l’électricité pour 1,1 million de personnes d’ici deux ans, quand Noor 2 et Noor 3 seront en phase d’exploitation.

Un potentiel considérable

Le Maroc est un pays extrêmement favorable à l’implantation des énergies renouvelables. Tout d’abord le solaire, puisque le soleil illumine le pays à hauteur de 300 jours par an. Ensuite l’éolien avec des vents d’en moyenne 9 mètres par seconde et de 40 mètres de hauteur, voire plus en ce qui concerne les zones littorales. Aussi, l’hydroélectrique grâce à ses importantes ressources en eau ou bien la biomasse avec ses 9 millions d’hectares de forêts.

De même, le royaume a instauré un environnement politique et institutionnel en adéquation avec le secteur des énergies renouvelables. Le pays s’est lancé pour ambition de voir son mix énergétique se tourner vers ces dernières de manière à atteindre 42% du parc énergétique à la faveur de sa politique « énergies propres ». Pour Massolia, communauté en ligne dédiée à l’énergie verte et à l’environnement au Maroc et en Afrique, « Le réseau multi-sites de centrales solaires multi-technologies Noor, devra produire une capacité minimum de 2000 MW d’ici 2020. L’ambition rehaussée du Maroc porte la part des énergies renouvelables à 52 % de la puissance installée à horizon 2030, positionnant le Royaume à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique ».

 

Une législation en faveur des énergies renouvelables

Pour cela, le gouvernement a mis en place des législations qui favorisent les énergies renouvelables ainsi que des institutions qui les gèrent et les recensent. Le gouvernement met également à disposition des investisseurs et opérateurs des outils qui facilitent leur intégration industrielle (capital humain, infrastructures et incitations).

La loi 13-09 instaurée début 2010 a permis au Maroc de libéraliser la production et la commercialisation des renouvelables vers les industriels. Elle induit une répartition des rôles entre les opérateurs, chargés de l’implantation des éoliennes et de la prospection des clients, et l’Office Nationale d’Electricité et d’Eau potable, qui gère l’acheminement de l’électricité.

Pour les projets non industriels, c’est la procédure classique de l’appel d’offre qui prévaut comme ça a été le cas pour le parc éolien de Tarfaya (voir ci-dessous). Ici, l’ONEE rachète l’électricité produite à un prix défini à moyen terme (environ 20 ans) : dans ce cas, on répartit les risques entre l’opérateur qui gère les coûts induits par la maintenance et la variabilité des conditions climatiques et l’ONEE qui assume les coûts financiers.

 

Solaire et éolien prévalent

Le solaire est la source d’énergie renouvelable la plus importante au Maroc et représente un potentiel considérable pour les régions reculées mal approvisionnées et mal desservies en capacité de production électrique. Le projet marocain de l’énergie solaire a été lancé en 2009 sur cinq sites pour permettre une capacité de production de 2000 mégawatts d’ici 2020, ce qui devrait permettre au pays d’économiser à terme 1 million de tonnes de combustibles équivalent pétrole soit 500 à 700 millions de $ par an.

D’autres projets ont été mis au point grâce au solaire, notamment avec l’instauration de subventions aux petits et moyens agriculteurs pour qu’ils puissent s’équiper de pompes à eau fonctionnant à l’électricité produite par les panneaux solaires afin d’économiser à la fois l’eau et l’énergie.

L’éolien est également largement mis à contribution par le gouvernement marocain. Le plus grand parc éolien d’Afrique a été construit par Nareva et le français Engie (anciennement GDF-Suez) à Tarfaya, dans le sud du pays. Les plus grandes éoliennes jamais construites par le danois Siemens s’élèvent aujourd’hui en plein désert et sont capables de fournir l’électricité de toute une ville d’1,5 million d’habitants. Le parc éolien s’étend sur 17 kms de long et 6 kms de large. L’exploitation a démarré début 2015 et une cinquantaine des 700 techniciens et ingénieurs marocains employés pendant la construction du parc y travaille toujours.

Il y aurait actuellement plus de 1 000 MW de capacité éolienne installée sur l’ensemble du royaume d’après Abdellatif El Ghali, directeur de l’exploitation de Tarfaya, et le Maroc voudrait doubler celle-ci d’ici 2020. Le gouvernement travaille d’ailleurs sur l’installation de cinq fermes éoliennes d’une capacité cumulée de 850 MW à Tanger, Tiskrad, Boujdour, Essaouira et Taza.

Au Maroc, les conditions d’implantation d’éoliennes sont idéales : le vent permettrait de les faire tourner 45% du temps contre seulement 20% en France ! Qui plus est, les démarches administratives sont bien moins contraignantes et les recours des riverains sont bien plus rares. En effet, les éoliennes sont installées sur de grandes surfaces vierges isolées et que les villages alentour profitent des nouvelles routes qui viennent désenclaver les sites.

Acacias for all, un projet d’ESS tunisien qui donne des idées

La jeune franco-tunisienne Sarah Toumi a été désignée par Forbes comme l’une « 30 under 30 », les 30 entrepreneurs de moins de 30 ans les plus prometteurs. C’est l’occasion pour nous de vous présenter son engagement dans l’économie sociale et solidaire (ESS) par le biais du projet Acacias for all lancé dans le sud du Maghreb. Il joue sur une double orientation environnementale et sociale : lutter contre la désertification des zones rurales en Afrique du Nord tout en permettant l’émancipation et l’autosuffisance économique des femmes.

Sarah Toumi, une jeune entrepreneuse prometteuse

Par son père, Sarah Toumi va acquérir un intérêt très prononcé et très précoce pour le secteur associatif. Passionnée par les questions d’égalité des genres face à l’éducation et au travail mais aussi par la protection de l’enfance et le soutien aux jeunes, Sarah Toumi s’engage largement dans des projets liés à la solidarité internationale, à l’éducation et au développement durable. Elle a notamment co-fondé DREAMin, un incubateur de projets d’économie sociale et solidaire avec une forte inclination visant à permettre aux jeunes étudiants de donner corps à leurs idées.

Elle découvre les vertus économiques et environnementales des acacias lors d’un projet scolaire et s’intéresse alors au problème de la désertification en 2006, décrétée année du désert et de la désertification par les Nations Unies. A partir de là, son projet est en marche. En 2008, Sarah Toumi présente au Ministre de l’Environnement tunisien un projet qui consistait à planter des acacias dans les zones rurales du pays pour lutter contre la désertification. Rejetée par le gouvernement, elle ne baisse pas les bras et se lance seule dans le chantier : elle est nommée quelques mois plus tard par Ashoka en tant que « jeune artisan du changement » et la fondation la soutient dans la création deAcacias for all. Elle remporte le prix « jeune entrepreneur » d’Ashoka l’année suivante.

En 2011, Sarah quitte Paris et revient sur sa terre natale tunisienne après la révolution du printemps arabe et constate un terrible accroissement du niveau de pauvreté rurale qu’elle relie à la dangereuse expansion de la désertification et à un inquiétant exode des femmes agricultrices pour aller travailler dans des usines où on les paye avec des salaires de misère.

 

Une « entreprise sociale pluridimensionnelle »

Acacias for all est une entreprise sociale innovante tunisienne qui récolte les compensations carbones des entreprises et des particuliers pour financer la plantation d’acacias dans les zones rurales qui seront pris en charge par les habitantes locales afin qu’elles puissent devenir de véritables entrepreneuses et que leur image évolue dans leurs communautés.

En parallèle des plantations, l’entreprise dispense une formation en agro-écologie à 50 femmes agricultrices. Après trois années de croissance, les femmes récoltent la gomme des arbres et la vendent à des entreprises du commerce équitable, ce qui leur assure un salaire stable. La gomme arabique est en effet largement utilisée dans la production alimentaire, la peinture, la gravure ou encore la photographie. La vente des produits cultivés assure des moyens de subsistance durables aux femmes agricultrices et à leurs familles vivant dans ces zones rurales.

Le projet permet de lutter contre la désertification et de contribuer à améliorer l’absorption du dioxyde de carbone dans l’air. Les acacias plantés sont issus de semences alternatives, plus écologiques que les traditionnelles cultures conditionnées. Aussi, ces arbres consomment bien moins d’eau que les cultures plus répandues d’olives ou d’amandes, héritées des pratiques des parents des actuels agriculteurs locaux et qui favorisent l’irrigation des terres avec de l’eau salée et accélèrent ainsi la désertification des terres devenues infertiles.

Pour assurer le succès de l’entreprise, Sarah réalise des études empiriques sur les nouvelles opportunités offertes aux agricultrices pour lutter contre l’érosion des sols, la désertification et la pénurie d’eau. En raison des changements climatiques actuels, la désertification du nord de l’Afrique s’est accélérée et les précipitations se font de plus en plus rares. Pourtant l’agriculture, connue pour sa voracité en eau, est la principale source de revenus des habitants de la région. Les bouleversements climatiques actuels nécessitent donc un changement de fond dans les pratiques des agriculteurs locaux pour préserver les terres et compenser l’appauvrissement des ressources en eau. L’environnement dans lequel évoluent les populations a un véritable impact sur leur situation économique et alimentaire : la désertification des zones rurales au Maghreb accroit la pauvreté des habitants et impacte considérablement leur sécurité alimentaire tout en détériorant les bastions du secteur agricole.

Sarah a lancé tout un mouvement dans le sud du Maghreb pour permettre à ceux qui pratiquent l’agriculture durable de devenir propriétaire de leurs cultures afin d’engager une réflexion de long terme sur le devenir des terres. Les agricultrices sont organisés en coopératives afin qu’elles puissent devenir autonomes économiquement et qu’elles soient capables vendre leurs produits sur les marchés internationaux par leurs propres moyens. Dans cette optique, les paysans de ces zones reculées du Maghreb devraient pouvoir sortir de la pauvreté rurale.

 

Une voix qui porte

En 2013, Acacias for all a été choisi par le gouvernement français comme l’une des 100 innovations destinées à façonner le développement durable en Afrique. Et en effet, le projet de Sarah Toumi se fait de plus en plus connaitre. A l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, des jeunes ont décidé de soutenir Acacias for all en organisant un « Stop solidaire » : des étudiants sont sponsorisés par des entreprises qui s’engagent à reverser de l’argent pour chaque kilomètre parcouru en stop à travers l’Europe afin de financer la plantation de nouveaux acacias. Julia Kobeissi, qui suit actuellement un diplôme sur le monde arabe, souligne que « ce genre d’initiatives est vraiment porteur d’espoir et permet un autre regard sur cette région trop souvent stigmatisée ». Elle a découvert Acacias for all par le biais de la plateforme de crowdfunding Women world wide web et s’est donc d’abord intéressée à la cause féministe du projet : « la femme dans le monde arabe a un statut un peu particulier selon les pays, et l’idée de donner à des femmes vivant dans des régions reculées, arides – et donc étant a priori isolées – des moyens de restaurer l’environnement en s’autonomisant financièrement est vraiment important ! ».

Pour Camille Gautier, une élève de l’IEP qui s’est elle aussi engagée en faveur de l’entreprise, « l’entrepreneuriat social est aujourd’hui une partie de l’avenir : ça regroupe des objectifs de développement alternatif au niveau social mais aussi environnemental et ça permet aux populations de s’investir dans l’environnement dans lequel elles vivent ». Pour Julia, Acacias for all fait figure « d’entreprise sociale pluridimensionnelle » : « dans les pays du monde arabe, [l’aspect environnemental] n’est malheureusement pas une priorité, or ce projet montre qu’on peut allier écologie et économie, ce qui peut être porteur d’idées pour la suite ». Et Camille d’ajouter : « je pense que c’est avec des initiatives locales et régionales comme celle-ci que les choses pourront évoluer ».

Quelle approche pour les médias français en Afrique ?

Les médias français et internationaux ont trouvé un fabuleux terrain d’expansion en Afrique. En profitant des opportunités offertes sur le marché de l’information et d’une majorité de locuteurs francophones, chacun y va de sa propre édition à destination de la population africaine, de la diaspora mais aussi de potentiels investisseurs intéressés par le continent.
 
Les médias français prennent d’assaut le marché de l’information en Afrique francophone. Canal+ par exemple gagne plus d’abonnés en Afrique que dans son bastion français, où son audience est d’ailleurs en berne, ce qui a motivé la création de la chaîne A+ entièrement dédiée aux contenus africains fin 2014. En janvier 2015, Le Mondecréait Le Monde Afrique avec pour ambition de devenir le média francophone panafricain de référence en matière d’actualités locales et internationales.

Certes les médias français et internationaux tournés vers l’Afrique ne sont pas nouveaux, comme peuvent en témoigner le magazine Jeune Afrique édité depuis 1960, la chaîne de radio Africa n°1 qui émet depuis 1981 ou encore la chaîne TV5 Afrique lancée en 1991.

Cela dit, on constate que les médias internationaux à destination de l’Afrique sont aujourd’hui en pleine expansion. Ainsi les médias d’information sont nombreux à proposer leur propre version de l’actualité africaine, à destination des populations locales mais aussi de la diaspora et d’éventuels investisseurs. C’est le cas du français Slate qui a lancé Slate Afrique dès 2011, The Huffington Post qui a lancé le HuffPost Maghreb en 2013 ou encore Le Point avecLe Point Afrique en l’année suivante.

 

Rentabiliser l’expansion des médias vers l’Afrique

C’est un véritable tropisme africain qui s’est installé à l’aube des années 2000 dans les discours et les stratégies des patrons de chaînes de télévision et de journaux. La dynamique à l’œuvre aujourd’hui ne concerne plus uniquement les acteurs spécialisés sur le continent africain. Les médias internationaux cherchent tous à capter une part de l’alléchante croissance africaine.

Sébastien Le Fol, directeur de la rédaction du Point, ironisait lors d’une intervention dans l’émission L’Atelier des Médias sur RFI sur le caractère d’« œuvre humanitaire » de l’investissement des médias français en Afrique. Après tout, la publicité est le « nerf de la guerre » et tout l’enjeu pour cette nouvelle catégorie d’investisseurs en Afrique est de rentabiliser leur nouveau positionnement.

 

De nouveaux business modèles ?

Toutefois le marché africain des services web a ses caractéristiques propres qui le distingue assez largement de son homologue occidental. Pour commencer, l’accès à Internet en Afrique est avant tout mobile. Le continent a le taux le plus bas au monde d’équipement informatique alors que la pénétration des téléphones mobiles y était estimée à plus de 75% en 2013. Pourtant, très peu d’Africains disposent d’un smartphone d’où il faut retenir que la grande majorité d’entre eux ont seulement accès à des interfaces web mobiles très basiques. Du coup il faudra que les sites d’information qui prennent d’assaut le continent se conforment aux terminaux les plus basiques d’Internet, que ce soit du point de vue ergonomique comme de l’aspect puissance.

En janvier dernier, le groupe Le Monde faisait de la régie publicitaire FacilitAds le représentant exclusif pour la commercialisation de l’espace publicitaire des sites Le Monde et Le Monde Afrique au Maroc, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, trois des pays africains qui réalisent le plus de trafic à l’étranger sur le site fixe du Monde avec l’Algérie et la Tunisie. Une aubaine pour le groupe quand on sait que les régies publicitaires ont tendance à manquer de structuration, notamment dans le domaine du digital. Les revenus publicitaires sont relativement mal assurés sur un continent où les marchés publicitaires restent très largement structurés de manière nationale. Afrique-technologienous apprend justement « qu’en 2013, la publicité en ligne ne représentait que 4% des dépenses publicitaires totales en Afrique du Sud, contre près de 25% en moyenne en Europe ». Aussi le coût de la diffusion publicitaire est beaucoup plus coûteuse qu’en Occident étant donné qu’elle coûte plus cher sur les mobiles que sur l’Internet fixe.

Egalement, la culture du paiement en ligne est assez différente en Afrique : le modèle de l’abonnement est bien moins répandu que celui des souscriptions prépayées, à l’image de ce qui se pratique sur le marché des communications mobiles. On pourrait alors imaginer des médias en ligne qui tarifient l’accès à chacun de leurs articles plutôt que de proposer un abonnement au mois ou à l’année pour des services illimités. Les consommateurs de médias paieraient non pas pour une gamme de contenus dans son intégralité mais pour les contenus bien précis qui les intéressent. Les moyens de paiement classiques sont aussi à repenser et une alternative aux cartes bancaires semble nécessaire, à l’image des cartes bancaires prépayées rechargeables proposées par Orange Money.

 

La francophonie, tremplin d’accès à l’Afrique pour les médias internationaux ?

Dans ce contexte, la francophonie est une aubaine pour les médias français mais aussi internationaux. L’Afrique étant en pleine expansion démographique, la banque Natixis a estimé que le français serait la langue la plus parlée au monde d’ici 2050, devenant ainsi la langue de 750 millions de personnes contre 220 millions recensés en 2010. L’Observatoire démographique et statistique francophone estime quant à lui qu’il devrait y avoir jusqu’à 1 milliard de locuteurs francophones d’ici 2050-2060 et 12% seulement vivront alors en Europe. L’avenir des médias français est donc véritablement tourné vers le continent africain, qui plus est si la classe moyenne africaine continue de prospérer.

Ces projections sont toutefois à relativiser puisque tous les habitants des huit pays africains qui reconnaissent le français comme leur langue officielle ne le parlent pas forcément couramment, voire pas du tout. L’enjeu de l’information de la population est donc encore à saisir sous l’angle de multiples traductions pour nombre de pays africains, notamment le Sénégal où le wolof est la langue majoritaire au quotidien tandis que le français est relégué principalement dans le domaine de l’administration.

Dans tous les cas, l’Afrique est un continent dont il ne faut pas négliger la richesse de sa multiculturalité et in fine de son multilinguisme. Les nouveaux arrivants internationaux sur le marché des médias locaux vont devoir faire preuve d’un véritable effort d’adaptation aux particularités locales. Sur un continent à faible bancarisation et forte pénétration mobile, l’approche devra de toutes façons être nationale puisque les opérateurs mobiles sont des intermédiaires indispensables pour les médias internationaux.

Et en attendant, ces médias peuvent toujours s’adresser à une diaspora dont on ne saurait négliger l’importance et l’ampleur. En effet, les quelques deux millions d’Africains installés en France représentent un marché considérable, d’autant plus que les limitations techniques des terminaux Internet évoqués précédemment et la question de l’adaptation locale n’ont pas lieu d’être avec ceux-ci.

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