La France est toujours l’un des principaux partenaires commerciaux du Maroc et la coopération économique entre les deux pays est sans cesse renouvelée par nombre d’accords. Mais l’exceptionnalité des relations économiques du couple France-Maroc est-elle encore une réalité ?
Le Maroc est l’un de ces rares pays qui peuvent encore jouir des fruits de leur attractivité quand la crise économique s’éternise et que les temps s’assombrissent pour l’Afrique. En 2015, le royaume a attiré 3,6 milliards d’euros d’Investissements directs à l’étranger, principalement dans le domaine industriel avec l’automobile et l’aéronautique (PSA, Stelia, Figeac Aero et Delfingen). Avec une progression de près de 7% par rapport à 2014, le Maroc est venu se placer en 75e place du classement Doing Business 2016 de la Banque Mondiale et enregistre son plus bas déficit commercial depuis 10 ans.
La coopération franco-marocaine sans cesse renouvelée
Traditionnellement, la France, l’Arabie Saoudite et l’Espagne sont les principaux pourvoyeurs d’IDE au Maroc. Dans les faits, la France représentait encore 21% des flux d’IDE perçus par le Maroc en 2014, loin devant l’Arabie Saoudite et ses 12,8% et l’Espagne avec 4,3%.
Où en est le fameux couple France-Maroc dans tout ça ? Pour le journal marocain Lakome, c’est « grâce à une indépendance “négociée” et à la qualité des réseaux tissés depuis avec le Palais et la bourgeoisie marocaine, [que] la France est restée jusqu’à aujourd’hui un acteur majeur de l’économie du royaume ». Lakome notait qu’en 2012, la plupart des entreprises du CAC40 étaient présentes sur le territoire marocain et profitaient de larges marges de bénéfices, lesquelles étaient d’ailleurs plus souvent rapatriés en France que réinvestis dans le royaume. « Le chiffre d’affaires des 20 premières sociétés marocaines à capitaux français représent[ait] plus de 10% du PIB du royaume ! ».
En mai 2015, la 12e réunion de haut niveau France-Maroc permettait la signature d’une quinzaine d’accords favorisant principalement les affaires entre les deux pays. Le Maroc a d’emblée mis en avant ses priorités économiques et les discussions se sont donc concentrées sur la co-localisation, la ré-industrialisation des deux pays et la conquête des marchés africains. 25 millions d’euros ont été alloués aux PME marocaines pour leur permettre de financer des achats de biens et services français, la France a signé une convention-prêt de 10 millions pour la création au Maroc d’Instituts de formation professionnelle aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (IFMEREE), sans compter tous les prêts accordés par l’Agence française de développement aux entreprises implantées dans les deux pays.
Un climat difficile pour la France ?
Mais si les relations économiques du couple France-Maroc semblent toujours au beau fixe, il faut bien noter qu’elles ont subi de grands bouleversements depuis les années 1990. D’une part, l’économie marocaine s’est ouverte progressivement il y a maintenant une vingtaine d’années et a découvert la concurrence internationale. Craignant l’arrivée sur le marché marocain de banques concurrentes dites islamiques et les retombées de la crise économique, la France s’est rapidement retrouvée acculée par la faiblesse à l’export de ses PME et, en 2012, l’Espagne lui a soufflé la place de premier fournisseur du royaume.
D’autre part, de grands groupes français qui avaient bénéficié d’opportunités ont dû céder un peu de leurs avantages. Par exemple, Auchan a été contraint par la justice marocaine d’augmenter le nombre d’administrateurs marocains dans ses filiales, remettant en cause l’accord que le groupe français avait signé avec l’ONA1. Entre 2005 et 2007, Axa, Veolia et Danone ont également pâti d’un revirement de stratégie du Palais dans le domaine économique. En 2010, le pouvoir a fait fusionner l’ONA et la SNI, après quoi Lafarge, Axa et Danone ont dû engager de nouveaux fonds pour être intégrés dans le nouvel ensemble. En 2013, c’était Veolia qui se désengageait du Maroc au moment où Vivendi cédait 53% des parts de Maroc Telecom à l’émirati Etisalat.
Au regard de ces changements, les relations franco-marocaines ont été contraintes d’évoluer. La France joue désormais la carte du win-win : il s’agit pour elle de promouvoir les investissements dans des secteurs où les entreprises françaises sont réellement compétitives. Les rencontres de haut niveau entre les deux pays de ces dernières années ont ainsi mis l’accent sur des secteurs comme le transport, l’énergie, l’automobile, l’aéronautique ou encore l’agro-alimentaire après avoir bien pris soin de décortiquer toutes les opportunités de coopération.
Les 10 et 11 mars, la Délégation MEDEF International au Maroc aura pour objectif de se pencher sur la tendance de long cours à la fragilisation des parts de marché françaises au Maroc. Le constat que le royaume commence à diversifier ses partenaires commerciaux commence à inquiéter les entreprises françaises alors même que leurs achats depuis le Maroc ont nettement progressé. Ce sera l’occasion pour les communautés d’affaire françaises et marocaines d’échanger sur l’attractivité des différents secteurs dans les deux pays, de l’état de la formation mais aussi des opportunités du secteur numérique.