Dans un article du média américain Quartz, Parag Khanna, chercheur indien spécialiste des relations internationales, estime que les grands centres urbains sont devenus les points névralgiques de l’économie mondiale, reléguant les Etats-nations au second plan.
Les villes prennent le pouvoir sur les Etats
Les villes sont aujourd’hui des pôles économiques et démographiques de rayonnement mondial. Le monde devrait être parsemé de quelques 40 mégalopoles d’ici 10 ans.
Saskia Sassen, spécialiste de la mondialisation et de la sociologie des très grandes villes, avance par ailleurs que les 20 villes les plus riches du monde évoluent « dans une sorte de circuit fermé alimenté par le capital, le talent et les services ». Elles rassemblent à elles seules 75% des plus grandes entreprises, lesquelles participent en retour au développement urbain.
Aujourd’hui, on constate qu’on compte bien plus de villes viables que d’Etats fonctionnels. Et les grandes villes sont parfois de véritables « îlots de bonne gestion des affaires publiques » dans des Etats à côté bien faibles. On voit par exemple ces cas de figures dans les relations que les grandes mégalopoles africaines entretiennent avec leurs Etats-nations, à l’image de Lagos et du Nigeria.
Et en Afrique ?
En République Démocratique du Congo, Kinshasa est devenue en 2015 la plus grande ville francophone au monde, devançant Paris en termes de démographie sur une surface quatre fois moindre que celle de la capitale française. Alors que Kinshasa fonde son modèle de développement sur les positions ultramodernes de Singapour, certains se demandent si cette stratégie est réellement pertinente.
Un article de Cityscapes, un journal Sud-Africain, pointe du doigt les contradictions de ce modèle alors même que les citadins kinois manquent encore des infrastructures de base en termes d’eau, d’électricité ou de réseaux routiers. Les grandes villes africaines prennent largement exemple sur leurs grandes sœurs asiatiques pour devenir elles aussi des métropoles hyperurbanisées et ultraconnectées en une génération, à l’image de Lagos qui s’inspire largement de Shanghai.
Pour autant, on peut déplorer que si elles suivent cette configuration, toutes les villes vont finir par se ressembler. Les villes africaines subissent une lourde pression pour « rationnaliser les formes souvent irrationnelles sous lesquelles [elles] se sont développées ». Finalement, le développement urbain en Afrique néglige encore un paramètre qui devrait le singulariser par rapport : la question de l’identité africaine.
Un autre élément important est mis en avant par le journal thaïlandais Bangkok Post : c’est la migration non pas dans les mégavilles mais dans les « villes secondaires », qui comptent entre 150 000 et 5 millions d’habitants, qui contribue le plus à la réduction de la pauvreté dans le monde.
Ces pistes pourraient permettre à l’Afrique de réfléchir à un modèle de développement urbain qui se distingue des grandes tendances actuelles dans les pays émergents et qui colle vraiment aux besoins et aux caractéristiques des villes africaines.