Les obligations pandémiques (pandemic bonds) sont conçues pour faire face à des dommages futurs de grande ampleur comme les catastrophes naturelles. Elles sont particulièrement bien adaptées pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19 en particulier pour les pays disposant d’un faible dispositif sanitaire.
Généralités sur les obligations pandémiques « pandemic bonds »
Les obligations pandémiques en anglais pandemic bonds font partie de la famille des obligations catastrophes appelées « Cat bonds » qui sont apparus aux Etats-Unis dans les années 1990. Ils sont émis par une entité pour faire face à des dommages futurs de grandes ampleurs comme les catastrophes naturelles. On peut citer les tremblements de terre, les inondations, les épidémies etc. Ces titres sont généralement émis par des compagnies de réassurance pour immuniser leur portefeuille contre un risque majeur d’origine naturelle à l’aide d’un système qui permet de protéger leur capital. Dans le cadre des obligations pandémiques, il s’agit de structurer un produit financier capable de faire face à une épidémie
d’envergure mondiale comme c’est le cas actuel du Covid-19.
Fonctionnement des pandemic bonds émises par la Banque mondiale
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird), composante de la Banque mondiale, a émis deux obligations pandémiques de qualité séniore sans garantie,le 28 Juin 2017, ayant pour échéance initiale le 15 Juillet 2020 avec une prolongation jusqu’au 15 Juillet 2021 à la Bourse du Luxembourg. La première est qualifiée de classe A destinée à couvrir la grippe et le coronavirus pour un montant de 225 millions de dollars US avec un taux de coupon de Libor dollars 6 mois +6,5%. La seconde appelée classe B est émise pour les virus suivants : coronavirus, filovirus, fièvre de Lassa, fièvre de la Vallée du Rift et fièvre hémorragique d’Ebola pour un nominal de 95 millions dollars ayant un taux de coupon de Libor dollars 6 mois +11,1%. La structuration du montage financier est très complexe. Le mode de fonctionnement de ces deux actifs est le suivant : la Bird émet les titres par l’intermédiaire de compagnies de réassurance comme Swiss Re capital markets (seul teneur de livres) et Munich Re (co-manager) qui jouent le rôle d’agents en charge de la structure, c’est-à-dire de concepteurs du produit financier. Une troisième entité Gc Security intervient également comme co-manager. La Bird mandate aussi un agent (Air Worldwide corporation) chargé d’évaluer les risques de pandémie.
Les investisseurs achètent les titres en versant des liquidités à la Bird qui paie chaque semestre des intérêts élevés. En cas de pandémie, les investisseurs risquent de perdre la totalité de leur capital investi. Toutefois, plusieurs conditions doivent être remplies pour que
la Bird puisse déclencher le paiement. La classe A exige que la pandémie provoque 2500 décès sur une durée de 12 semaines dans les pays et territoires indiqués dans le prospectus d’émission et 20 décès dans d’autres pays. La perte de capital prévue est estimée à 16,67%.
Le nombre de décès dans le cas de l’obligation de classe B est estimé au moins à 250. Dans ce cas les investisseurs perdront la totalité du principal. La seule condition qui n’est pas encore vérifiée est le taux de croissance de la pandémie dans les pays en développement dans les deux semaines après les 12 premières semaines. Le 31 décembre 2019 a été fixé comme la date de référence de déclenchement de la pandémie par l’Organisation mondiale
de la santé (Oms). Au cours de la semaine du 06 Avril 2020, l’évolution du taux de croissance des cas confirmés de Covid-19 dans les pays en développement sera un facteur important pour le déclenchement des paiements liés aux obligations.
Pandemic emergency financing facility ou PEF
En 2016, la Banque mondiale a mis en place un mécanisme de financement d’urgence appelé Pandemic emergency financing facility ou PEF permettant de faire face à une pandémie. N’oublions pas que récemment, avant la déclaration du Covid-19, d’autres pandémies avaient sévi, il s’agissait principalement du cas du virus ébola qui avait lourdement frappé la Rdc, la Guinée Conakry, la Sierra Léone et le Libéria. Dans le cadre du PEF, si une pandémie est déclarée au niveau mondial, des mécanismes d’assurance seront alors activés pour couvrir une partie des dommages dans les pays en développement. Le financement du PEF est assuré par les pays donateurs qui contribuent aux paiements des intérêts et des primes de l’obligation pandémique et de l’assurance pandémique par l’intermédiaire du Fiduciaire (Trustee) désigné par l’entité émettrice (banque mondiale). Par
exemple, le Japon avait contribué à hauteur de 50 millions de dollars, alors que l’Allemagne avait apporté 75 millions d’euros.
Les pays en développement et les pandemic bonds
Les montants susceptibles d’être levés à partir de ces émissions permettront de consolider le PEF et de financer des actions destinées à amortir le choc lié à la pandémie dans les pays
en développement. Si les investisseurs sont amenés à perdre la totalité et ou une partie de leur capital, ces fonds additionnels serviront à financer les urgences sanitaires en Afrique et ailleurs. Au moment où certains pays en développement ont des difficultés liées à la conjoncture internationale et à la pandémie, ces ressources permettront de compléter les
mesures actuelles d’annulation de la dette et de rééchelonnement annoncées par les institutions de Bretton woods et réclamées par les Chefs d’Etats africains. A l’état actuel, il est important que ces obligations soient rapidement payées afin que les montants puissent être repartis aux pays ayant droits pour leur permettre de lutter plus efficacement contre la
pandémie actuelle.
En guise de conclusion
Nous pouvons conclure que ces actifs qui permettent d’amortir les chocs à la suite de la survenance d’une catastrophe d’envergure mondiale sont utiles pour les pays qui ont des dispositifs sanitaires très faibles. Dans ce cas, les obligations pandémiques représentent des instruments offrant un consensus aux différentes parties prenantes. Les pays développés seront moins sollicités en cas de catastrophe ; les investisseurs détiendront des titres à hauts rendements avec un risque important (évènement extrême) ; les pays en développement disposeront de ressources destinées aux urgences sanitaires et la Banque mondiale aura à sa disposition un fonds pour aider les pays en développement. Toutefois, ces produits ont fait l’objet de vives critiques de la part de certains observateurs. La plus importante relève de la complexité liée à la structuration du produit avec des clauses de paiement très contraignantes. Il faut que la pandémie fasse un certain nombre de décès sur un délai pour que le paiement soit effectif. En d’autres termes il faut que la pandémie entraîne un certain nombre de morts et des cas confirmés avant que les fonds ne soient potentiellement disponibles. Ces produits sont certes utiles pour les parties prenantes mais
les clauses liées à leur paiement doivent être revues afin qu’ils soient qualifiés d’investissement propre.
Pour Convergence
Jéhu NDOUMI
Ingénieur de conception et Économètre-Statisticien diplômé de 3ème cycle, Doctorant en Économie mathématique de l’Énergie. Il est actuellement Président de la holding internationale NetOil présent en Afrique, en France , Belgique et au Royaume-Uni.
Il est un spécialiste des montages structurés et des opérations financières complexes :
investissement dans le non coté, Risk Management & Private Equity. Impliqué sur le continent Africain, il développe de nouvelles voies pour faciliter l’arrivée de capitaux sur les grands projets dans les secteurs de l’énergie, du transport, de l’environnement ou des
communications électroniques.
Jéhu NDOUMI est Directeur de l’intelligence économique et de la stratégie du Centre Africain de recherche sur les politiques énergétiques et minières (CARPEM) basé en France,
Représentant pour l’Afrique centrale de l’institut Africain de l’énergie (IAE) basé à Dakar au Sénégal et Directeur Général pour l’Afrique de la chambre de commerce Slovaquie, Afrique et Arabe (SAAOK) basée en Slovaquie et en Turquie.
Il est également le promoteur du Dakar PetroGaZExpo au Sénégal,1er événement du genre qui concilie, l’énergie, le respect de l’environnement et le développement économique
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Très ingénieux et on sent de l’expertise en lisant ce blog. Merci pour l’information.
Excellent !