Une nouvelle révolution s’annonce pour le système d’appui à l’export ! Mais, n’est-on pas en train de se tromper de cible en traitant les effets plutôt que les causes ?
Je ne pensais pas devoir revenir si vite sur les problématiques de l’appui à l’export après mon article sur le « guichet unique » au mois de novembre dernier (www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-175743-guichet-unique-export-mythe-ou-fantasme-2128514.php). Mais, voilà que le « monstre du Loch Ness » est réapparu sous une forme différente, à travers les paroles du nouveau Directeur Général de Business France, qui, selon le MOCI, promet une « révolution copernicienne » (sic !) du système d’appui à l’export.
- Que, malgré des réformes, révisions et réorganisations multiples, ce système, pourtant déjà très lisible, puisse encore gagner en efficacité, nul n’en doute. En particulier, la coopération annoncée par M. Lecourtier, entre antennes de Business France à l’étranger et CCI française à l’international ne peut bien évidemment que contribuer à éviter les problèmes de « tuilage » entre les différentes organisations. De même, le partage des domaines d’intervention qu’il préconise vise tout autant à éviter les doubles-emplois et à améliorer la fluidité du « continuum » dans l’action…. même si on peut continuer à afficher un scepticisme de bon aloi quant au rôle de leader qui serait dévolu aux Régions, surtout si les moyens « export » des DIRECCTE ne leur sont toujours pas transférés.
- Amélioration de l’efficacité, donc, sans doute ; souhaitable, bien sûr ; réalisable, on l’espère ! Mais, est-ce vraiment une révolution, et copernicienne en plus ?
- Sans vouloir doucher les enthousiasmes, il faut dire et redire qu’on est en train de confondre causes et effets. Quand des chefs d’entreprise entonnent l’antienne de la supposée complication du système d’appui, le vrai message qui sous-tend leur plainte et qu’on devrait entendre, c’est que leur entreprise n’est ni préparée, ni structurée pour faire de l’export autrement que sous forme de coups ou, au mieux, de manière irrégulière. C’est pourtant un constat maintes fois fait et qui n’a rien d’original : le mal dont souffre la balance commerciale française tient à la trop petite taille des entreprises françaises, qui, de ce fait, n’ont ni les ressources financières, ni les ressources humaines, pour se confronter à l’investissement que représente la définition d’une stratégie d’exportation et sa mise en oeuvre. Il faut à cet égard insister sur la mise en oeuvre : en effet, on oublie trop souvent qu’elle commence en… France, avec la mise en place des structures nécessaires pour que tout ne dépende pas du seul chef d’entreprise qui, faute de connaissance ou d’accoutumance avec le domaine, se retrouve effectivement perdu dans ce qui lui semble un maquis impénétrable.
- On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif : la vraie approche qui permettrait de mettre fin à la dégradation de la balance commerciale voire d’espérer en rétablir l’équilibre, consisterait à bien comprendre qu’il faut un tissu d’entreprises efficaces, compétitives et pratiquant une stratégie professionnelle de commerce extérieur.
- Dans ces conditions, la vraie révolution copernicienne ne dépend donc pas de l’interaction et de la bonne volonté de Business France et/ou des autres acteurs de l’accompagnement à l’export ; il faut chercher plus haut, du côté de la politique gouvernementale. La reconstitution des marges et l’encouragement au renforcement des fonds propres vont dans ce sens ; mais, des mesures plus spécifiques paraissent absolument indispensables pour faire de la reconquête de la capacité exportatrice une priorité économique.
- Lesquelles ? On pourrait imaginer (par exemple) un cocktail comprenant
- – un « crédit d’impôt-export », s’inspirant du crédit d’impôt- recherche, pour les dépenses des PME qui mettent en place un service export ;
- – un encouragement à la création de structures communes d’exportation par plusieurs entreprises ;
- – la renaissance d’un fonds d’aide au conseil, finançant une partie d’une (seule, la première !) étude approfondie définissant la stratégie exportatrice d’une PME donnée ;
- – la création d’un système de VIE-Internet localement en France, pour initier l’activité de vente en ligne.
- On pourrait aussi y ajouter un questionnement sur l’enseignement dans ce domaine : techniques de négociation, maîtrise de l’administration du commerce international, logistique… voire des mécanismes d’apprentissage s’adressant à des jeunes issus de l’immigration, futurs porteurs d’actions internationales de PME. Une étude sur la qualité, la pertinence, l’adaptation et les manques du système existant paraît à cet égard souhaitable ; et sans aller jusqu’à faire renaître une Ecole Nationale de l’Exportation, pourquoi ne pas imaginer une « Ecole 42 » dédiée à l’export ?
- Certes, ces mesures auront un coût budgétaire ; mais, celui-ci restera somme toute limité, si on vise l’accoutumance à l’export plutôt que l’accoutumance à la subvention. Et, somme toute, peut-on vraiment faire la révolution sans s’engager et y mettre les moyens ?
Georges Fischer- Expert International- Associé Convergence