Le week-end dernier s’est achevée la COP21 parisienne sur un accord apparemment « historique ». Certes le bilan est engageant en ce qu’il officialise la collaboration de l’ensemble des pays du monde et que c’est déjà probablement l’avancée la plus importante qu’on pouvait envisager à ce stade. Seulement la COP21 n’a pas été avare en non-dits et en omissions.
Un accord « historique » ?
Le bilan de la COP21 de Paris a suscité de nombreuses réactions admirant l’accord « historique » qui en était sorti. Effectivement l’avancée est majeure et entérine la responsabilisation de 195 pays dans les négociations climatiques. Un point qui abroge la partie du Protocole de Tokyo qui freinait considérablement les avancées en la matière en ayant institué un système binaire où seuls les pays industrialisés avaient l’obligation de s’engager pour la réduction de leurs émissions de CO2. Encore heureux quand on sait que l’AIE, l’Agence Internationale de l’Energie en charge de la coordination des politiques énergétiques dans les pays occidentaux, estime que les pays non membres de l’OCDE représentent désormais sept huitièmes de l’augmentation de la demande en électricité.
Les pays se sont accordés sur trois objectifs principaux qui sont le maintien de l’augmentation des températures en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels, le développement du concept de « lowcarbon » et l’adoption de modes de financement appropriés à cet objectif « bas carbone ». L’accord de Paris lie donc tous les pays dans un système d’engagement basé sur leurs intentions de contributions nationales. Il devrait à terme intégrer un dispositif commun de mesure et de vérification institué par les Nations Unies. Les contributions nationales de chacun vont devoir être revues tous les 5 ans en vue d’intensifier les efforts.
La différenciation entre pays développés et pays en développement, le principal enjeu de cette COP, est assurée en termes de financement et de responsabilisation. Le G77 et les représentants des pays en développement dans les débats environnementaux, la Chine et l’Afrique du Sud, ont d’ailleurs validé cet accord qu’ils considèrent comme équilibré et satisfaisant.
Un dispositif bien loin d’être « contraignant »
Le problème est que ce dispositif, fondé sur la bonne volonté des acteurs et dépourvu de quelconques objectifs chiffrés, ne commencera à être effectif que durant la prochaine décennie. L’accord est contraignant juridiquement parlant puisque considéré comme un protocole additionnel à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique. L’accord s’insère donc dans le droit international. Toutefois aucune sanction n’est prévue pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements et le respect du traité ne tiendra donc qu’aux équilibres diplomatiques et à la réputation des Etats.
Or dans un monde où le pétrole, le charbon et le gaz naturel sont encore les piliers de nombreuses économies et où leur extraction est encore largement subventionnée (à hauteur de près de 490 milliards de $ en 2014 d’après l’AIE), l’objectif de la communauté internationale de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C risque d’être difficilement atteignable. D’autant plus que des catastrophes climatiques (ou humaines) pourraient amener les Etats touchés à s’éloigner volontairement de leurs engagements sans que la Communauté Internationale ne puisse leur en tenir rigueur. Souvenons-nous du Japon qui, suite à Fukushima, avait renoncé au nucléaire et avait considérablement accru ses émissions de GES en relançant l’extraction du charbon et du gaz et en foulant au pied le protocole de Tokyo. Les enjeux climatiques à long terme font peu de poids face aux enjeux humains à court terme, et les Etats ne sont pas encore suffisamment acquis au développement des énergies renouvelables pour faire face à ce genre de chocs.
Quelques alternatives pour faire avancer les négociations climatiques
Une alternative serait la tarification du carbone, laquelle permettrait d’affecter un prix aux émissions de CO2correspondant au coût des risques climatiques pour enrayer la rentabilité des actifs fossiles. Encore faut-il que l’augmentation du coût des énergies fossiles ne pénalise pas trop les pays en développement. Ces derniers devraient recevoir à eux tous 100 milliards de $ par an au nom de la justice climatique. Ce montant qui avait été proposé dans le brouillon de mi-parcours de la COP21 a finalement été retiré du texte principal car le Sénat américain républicain l’aurait sans conteste rejeté mais a été conservé en annexe.
Une autre idée soulevée notamment par Pascal Canfin, directeur général du WWF, serait de mettre en place une Cour de justice climatique internationale. Il s’agirait de faire respecter les lois et décrets soumis par les Etats eux-mêmes à l’ensemble de la communauté internationale. Après tout, l’OMC s’est doté de ce genre d’outil en imposant aux Etats qui ne respectaient pas ses directives des rétorsions financières dissuasives.
La question des énergies renouvelables reste malheureusement complètement passée sous silence dans le texte final. Non seulement le terme n’apparait pas mais il n’a pas fait l’objet de réflexions plus approfondies (le sujet sera probablement évoqué pendant les COP22, 23 et autres…). Les scientifiques de la revue Nature ont établi que le maintien de la température en-dessous de 2°C n’était envisageable que si l’on résolvait à laisser 80% des énergies fossiles dont nous disposons dans le sol. L’alternative à ces énergies fossiles serait bien sûr les énergies renouvelables. Celles-ci ont d’ailleurs été largement poussées en avant par les ONG qui voulaient induire un objectif de 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050 dans le traité – une idée qui reste donc en suspens jusqu’à une éventuelle prochaine prise de conscience.
Les énergies fossiles couvrent encore aujourd’hui plus de 85% des besoions en énergie de la planète avec respectivement 32,4% pour le pétrole, 24,0% pour le gaz et 30,1% pour le charbon. Même si les énergies renouvelables se développent, on aura du mal à conjurer cette dépendance du jour au lendemain. Les experts Oil and Gas considèrent même qu’il y aura un développement de la production et de la consommation du gaz naturel dans les années à venir.
Les contributions nationales actuelles ne permettront pas de maintenir la température globale en-dessous de 2°CC. L’un des enjeux principaux des COP à venir, outre le fait de poser sur la table les solutions précédemment évoquées, sera de pousser les Etats à revoir leurs efforts à la hausse le plus rapidement possible. L’AIE insiste aussi sur le fait que les autres utilisations finales de l’énergie ne connaîtront pas une décarbonisation aussi rapide que celle enclenchée dans le secteur électrique ; en effet, il est particulièrement complexe et onéreux de remplacer le charbon et le gaz comme combustibles dans l’industrie ou le pétrole dans le secteur des transports.